jeudi 5 mai 2011

[revue de presse] - [97] - [23 mars - 5 mai 2011]

CA VOUS REGARDE : UNE ENQUÊTE QUI N'EN FINIT PAS
LCP

Débat diffusé sur LCP le 4 mai 2011 à l'occasion de la sortie du livre de Bernard Cazeneuve, "l'enquête impossible".


AFFAIRE KARACHI : LE RAPPORT D'AUTOPSIE QUI CHANGE TOUT
20 Minutes / 28.04.2011
"Énième rebondissement dans l'affaire Karachi. Le juge Trévidic a découvert que le rapport d'autopsie du supposé kamikaze responsable de l'attentat qui a coûté la vie à 14 personnes, dont 11 Français, en 2002, n'avait jamais été versé au dossier, révèle Lemonde.fr.

Pourtant, Dominique Lecomte, auteure du rapport et directrice de l'Institut médico-légal de Paris a affirmé avoir bien remis ce document au juge Jean-Louis Brugière, en charge de l'affaire jusqu'en 2007, mais qui ne l'a jamais versé au dossier. «Jean-Louis Bruguière nous a demandé le rapport avec insistance. Nous lui avons remis le 7 juillet 2002 l'original», a-t-elle expliqué lors de son audition devant le juge Trévidic le 25 mars dernier.

La thèse du kamikaze a du plomb dans l'aile

Or, cette autopsie, dont le juge a obtenu copie, change tout: elle montre que le supposé kamikaze se trouvait «près du foyer d'explosion» et «était en position debout». «Une information capitale», «qui change tout», selon le journal puisque cela signifie que le supposé kamikaze n’était pas assis dans le véhicule mais bien à l’extérieur. Ce qui ne colle pas avec la thèse du kamikaze, la thèse toujours officiellement retenue par les autorités françaises et pakistanaises, mais qui a de plus en plus du plomb dans l’aile. Interrogé par Le Monde sur l'absence de cette pièce dans le dossier, le juge Bruguière n'a pas fourni d'explications..."

LeMonde.fr / Fabrice Lhomme et Gérard Davet / 29.04.2011
"Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le juge antiterroriste Marc Trévidic l'a transmise, mercredi 27 avril, à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Cette QPC pourrait remettre en question la législation actuelle sur le secret-défense. Il faudra, pour cela, passer le filtre final de la Cour de cassation, afin que le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de trois mois.

La QPC est soulevée par Me Olivier Morice, l'avocat de nombreuses parties civiles dans l'affaire de Karachi, dont sont saisis les juges Renaud Van Ruymbeke, pour le volet financier, et Marc Trévidic, pour l'aspect terroriste. Ceux-ci se sont heurtés à plusieurs reprises, dans leurs investigations, au secret-défense invoqué par les autorités, tant dans la déclassification de documents que dans l'éventualité de perquisitions.

La QPC évoque, dans un premier temps, la loi du 29 juillet 2009, qui a modifié les articles 413-9 et suivants du code pénal en sanctuarisant nombre de lieux comme les ministères ou les locaux de police. Deux types d'endroits sont définis, dans lesquels les magistrats ne peuvent plus pénétrer ni saisir d'objets sans être accompagnés par le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CSSDN) – celle-ci devant en outre donner un avis au ministre sur l'autorisation d'utiliser ou non ces saisies.

Un décret et deux arrêtés parus en juin 2009 ont défini ainsi une vingtaine de "lieux faisant l'objet d'une classification", ne relevant que des ministères de l'intérieur et de la défense (tels que les centres opérationnels). Ils sont décrits dans une annexe, elle-même classifiée pour cinq ans. Le second arrêté régit les "lieux abritant des éléments couverts par le secret", sans que la liste soit publiée. Le juge doit interroger la chancellerie, détentrice de la liste, pour savoir si l'endroit qu'il envisage de perquisitionner en fait partie.

L'opposition, à l'époque, n'avait pas déposé de recours devant le Conseil constitutionnel, peut-être parce que la loi contestée était discrètement inscrite au chapitre de la programmation militaire. "En interdisant la perquisition dans ces lieux, indique Me Morice, la loi a rendu encore plus difficile la tâche des magistrats." C'est ainsi que le juge Van Ruymbeke n'avait pu se livrer, en novembre 2010, à une perquisition dans les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Le magistrat avait pourtant sollicité la déclassification temporaire du siège des services secrets pour mener cette perquisition.

"LE MAGISTRAT N'EST PAS UN MINEUR SOUS TUTELLE"

"La déclassification temporaire de tout ou partie des locaux de la DGSE (…) ne peut recueillir mon accord, lui avait répondu le premier ministre François Fillon, compte tenu en particulier de l'avis défavorable émis ce jour par le président de la CCSDN." La QPC déposée par Me Morice soulève aussi l'épineux problème des documents classifiés. "Le magistrat n'est pas un mineur sous tutelle", indique le texte. Selon l'avocat, les dispositions législatives actuelles offrent la possibilité à l'exécutif "d'intervenir de manière déterminante dans l'issue d'une procédure judiciaire, en n'hésitant pas à entraver la recherche de la vérité".

Selon un avis du 6 avril, la CCSDN s'était ainsi dite défavorable à la déclassification de documents réclamés par le juge Renaud Van Ruymbeke. Le ministre du budget, François Baroin, a suivi l'avis de la commission. Le magistrat cherchait à obtenir des documents liés au contrat d'armement Sawari II, dans le cadre de son enquête sur d'éventuelles rétrocommissions versées pour la campagne d'Edouard Balladur, en 1995..."

A lire également : 
- AVEC LE SECRET DEFENSE, UNE DERAISON D'ETAT, Mediapart, Fabrice Arfi 19.04.2011


AFP
"Le député PS Bernard Cazeneuve décortique dans un livre les obstacles rencontrés par la mission parlementaire sur l'attentat de Karachi, qui a tué onze Français en 2002, du refus de transmettre des documents confidentiels à l'impossibilité d'auditionner certains témoins-clé.
Le maire de Cherbourg, dont étaient originaires les onze victimes françaises de l'attentat, estime qu'au cours de cette mission dont il était le rapporteur et qui a rendu ses travaux il y a un an, "la séparation des pouvoirs a été instrumentalisée".
"Elle a été invoquée aux juges pour empêcher la communication des auditions de la mission et au Parlement pour l'empêcher d'enquêter en lui refusant par exemple l'audition de collaborateurs du ministère de l'Economie ou la déclassification de documents", explique-t-il à l'AFP.
Dans "Karachi, l'enquête impossible" (Ed. Calmann-Lévy) à paraître mercredi, il relate ainsi comment le ministère de la Défense transmet des documents, demandés par les parlementaires, à la Commission consultative du secret-défense (CCSDN) pour obtenir son avis.
N'ayant pas été initialement saisie par un juge, la commission ne peut se prononcer sur leur éventuelle déclassification et par conséquent ni les juges ni la mission n'obtinrent ces documents avant la publication du rapport.
"Nous, parlementaires, n'avons même pas franchi l'obstacle de la séparation des pouvoirs avant même de pouvoir regarder ce qui était couvert par le secret-défense", estime le député.
Pour lui, "la question du secret-défense devra également être revisitée", soulignant qu'il a été "plus renforcé qu'allégé au cours de la législature".
M. Cazeneuve narre aussi la polémique entre parlementaires sur la transmission des comptes-rendus d'audition de la mission au juge Marc Trévidic, qui furent finalement spontanément transmis par l'un des membres de la mission.
Il fait aussi part des reproches exprimés au ministre de la Défense Hervé Morin, devant le "mépris" du gouvernement pour les parlementaires...."


BERNARD CAZENEUVE DENONCE LE MEPRIS DE L'ETAT
Le télégramme de Brest
"...Vous évoquez des entraves à la mission. De quel ordre étaient-elles?
Au nom de la séparation des pouvoirs, les parlementaires n'ont pas eu accès aux documents dont ils souhaitaient disposer, comme le contrat Agosta, des compte-rendus de réunions interministérielles. On nous a refusé aussi des documents que le juge n'avait pas demandés, sous prétexte qu'il pourrait les demander un jour! C'est hallucinant!..."


A lire également : 
LE DEPUTE CAZENEUVE DENONCE UN "CYNISME D'ETAT, Mediapart, Fabrice Arfi 03.05.2011