dimanche 27 novembre 2011

[revue de presse] - [116] - [21-28 novembre 2011]

1 / DÉVELOPPEMENTS JUDICIAIRES 
AU COEUR DE LA SARKOZIE
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KARACHI : THIERRY GAUBERT MIS EN EXAMEN POUR SUBORDINATION DE TÉMOIN
20 Minutes.fr
"Déjà soupçonné de recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire Karachi, l'ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert, a été mis en examen mardi pour subornation de témoin, soupçonné d'avoir fait pression sur son épouse qui l'avait mis en cause."
lien direct: http://www.20minutes.fr/politique/828322-affaire-karachi-thierry-gaubert-mis-examen-subornation-temoin

Autre article: 
KARACHI : BALLADUR RÉAFFIRME QUE SA CAMPAGNE A ÉTÉ REGULIEREMENT FINANCÉE RÉGULIÈREMENT
Libération.fr 21.11/2011

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AFFAIRE KARACHI : L'OMBRE DE SARKOZY
Le Monde, Gerard Davet et Fabrice Lhomme  22/11/2011
Qualifiée de "fable" par Nicolas Sarkozy dès 2009, l'affaire de Karachi menace pourtant de parasiter sa - probable - campagne présidentielle. Le 22 septembre, l'Elysée, désireux d'éteindre l'incendie qui se propageait à la suite de la mise en examen de deux proches du président, publiait un communiqué pour assurer qu'il n'était en rien concerné par l'enquête judiciaire. "S'agissant de l'affaire dite de "Karachi", le nom du chef de l'Etat n'apparaît dans aucun des éléments du dossier", assurait le texte. L'examen de la procédure conduite par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire contredit formellement cette affirmation péremptoire. A divers titres, M. Sarkozy est impliqué dans cette affaire, dont les développements l'embarrassent au plus haut point. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il soit, en l'état, mis en cause au sens judiciaire du terme.

Le budget, ministère-clé. Le volet financier de l'affaire de Karachi porte sur d'éventuelles rétrocommissions : des sommes prélevées sur plusieurs contrats d'armement signés entre 1993 et 1995 avec le Pakistan et l'Arabie saoudite auraient abondé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur. A cette période, M. Sarkozy était en poste au budget. Or, institutionnellement, avec le ministre de la défense - François Léotard à l'époque -, celui du budget joue un rôle décisif dans les ventes d'armes en France. En effet, pour les opérations d'exportation de matériel militaire, la signature du ministre du budget doit accompagner celle de son homologue de la défense au bas du document rédigé lors de la conclusion d'un contrat. Il s'agit de la lettre dite "de garantie de l'Etat", par laquelle ce dernier s'engage à se porter financièrement garant de l'entreprise contractante.

Qu'il s'agisse des marchés Agosta (la vente de sous-marins au Pakistan pour 825 millions d'euros) ou Sawari II (l'achat par l'Arabie saoudite de frégates pour 2,8 milliards d'euros), les deux principaux contrats suspects signés fin 1994, Nicolas Sarkozy les a donc validés en connaissance de cause. Toutefois, si l'enquête a révélé que, par exemple, son ami Nicolas Bazire, alors directeur de cabinet du premier ministre, ou encore Renaud Donnedieu de Vabres, l'homme lige de François Léotard, avaient été directement au contact des intermédiaires, comme Ziad Takieddine, sur qui pèsent les soupçons de redistribution occulte, M. Sarkozy n'a jamais été cité comme ayant participé à ces négociations financières.

Par ailleurs, l'entourage du président aime à rappeler, s'appuyant notamment sur le compte rendu d'une réunion interministérielle du 29 juin 1994, que, dès le début des négociations avec Islamabad, les fonctionnaires de Bercy se sont montrés réticents à conclure le contrat Agosta. "A l'époque où il était ministre du budget, il avait manifesté son hostilité à ce contrat comme cela apparaît dans les pièces de la procédure", expliquait ainsi - faisant fi au passage du secret de l'instruction - le fameux communiqué de l'Elysée du 22 septembre. Sauf que l'argument peut être retourné, car cela signifie que M. Sarkozy donna son feu vert... contre l'avis de son administration.

D'autre part, cette position est en contradiction avec ce que déclarait M. Sarkozy à des journalistes, en novembre 2010 : "J'ai jamais été ministre de la défense, je suis pas au courant des contrats de sous-marins n égo ciés à l'époque avec un président qui s'appelle M. Mitterrand, (...) en tant que ministre du budget, je n'ai jamais eu à en connaître ni de près ni de loin." S'il n'en a jamais eu connaissance, comment peut-il soutenir s'y être opposé ?

Au coeur de la campagne Balladur. L'enquête portant sur un éventuel financement illicite de la campagne de M. Balladur en 1995, ses principaux acteurs sont susceptibles d'intéresser les juges. Certes, M. Sarkozy, comme il le rappelle souvent, n'était ni trésorier (rôle dévolu à René Galy-Dejean, témoin assisté), ni directeur de campagne (c'était Nicolas Bazire, mis en examen), mais "simple" porte-parole.

Dans les faits, il était beaucoup plus que cela. Principal conseiller du candidat, aux côtés de M. Bazire, il faisait partie des quatre hommes qui siégeaient en permanence au comité politique de la campagne. Et son chef de cabinet, Brice Hortefeux, s'occupait de l'organisation des meetings et donc de la collecte des espèces. Pour autant, aucune audition réalisée par les enquêteurs n'a attribué à M. Sarkozy le moindre rôle dans le financement de la campagne. Reste une question : le proche conseiller de M. Balladur, par ailleurs ministre du budget, pouvait-il ignorer l'origine des fonds qui alimentaient les caisses du premier ministre-candidat ?

Les mystères de la société Heine. Pour faire transiter les commissions suspectes versées en marge d'Agosta, la Direction des constructions navales (DCN, devenue DCNS) avait créé en 1994 une structure opaque, Heine, domiciliée au Luxembourg et gérée par Jean-Marie Boivin. Or, à en croire une chronologie saisie en 2007 par la police au siège de la DCN, M. Sarkozy aurait joué un rôle dans la constitution de cette société-écran.

Non signé, ce document manuscrit indique qu'en 1994, "EAR fait savoir officiellement à DCA que Nicolas Bazire, directeur du cabinet du premier ministre Balladur est d'accord (pour la constitution de Heine)". EAR, c'est Emmanuel Aris, vice-président de la DCN, et DCA, Dominique Castellan, alors président de DCN International (DCN-I). A la ligne suivante, il est indiqué : "Nicolas SARKOZY donne également son accord depuis le ministère des Finances - Bercy."

Reste qu'aucun élément matériel n'est venu conforter cette assertion, d'autant plus fragile qu'elle provient d'un document anonyme. D'autre part, dans une audition récente (le 28 septembre) devant les juges, M. Aris a atténué la portée de cette note. Il a assuré que la mention relative à M. Bazire "ne correspond(ait) pas à la réalité". "Je ne connais pas M. Bazire, je ne l'ai jamais rencontré et je n'ai jamais entendu dire qu'il ait donné son accord pour la création d'Heine."

[...]

Plus troublant, M. Sarkozy a été destinataire, comme d'autres ministres, d'une lettre de chantage adressée en 2006, alors qu'il était ministre de l'intérieur, par M. Boivin. Ce dernier, congédié par la DCN en 2004, cherchait à obtenir des compensations financières (8 millions d'euros), sous peine de "faire des révélations". D'après M. Menayas, M. Boivin aurait même fait passer ses messages menaçants à l'associé de M. Sarkozy dans son cabinet d'avocats, Me Arnaud Claude...

Ce n'est pas tout. En 2006, M. Boivin aurait été menacé physiquement par deux hommes envoyés par M. Sarkozy, selon des confidences faites par M. Boivin à M. Menayas. Les deux hommes en question ont depuis admis s'être rendus au Luxembourg pour "sonder" les intentions de M. Boivin, mais ont expliqué qu'ils avaient été mandatés par la DCN, et non par M. Sarkozy. Reste à savoir à quel titre, plus de dix ans après son départ de Bercy, celui qui était alors ministre de l'intérieur et candidat annoncé à la présidentielle fut destinataire des courriers de menaces de M. Boivin.

Des amis bien encombrants. Si M. Sarkozy est éclaboussé par cette affaire, c'est aussi parce que plusieurs de ses proches sont directement mis en cause : Nicolas Bazire et Thierry Gaubert sont mis en examen, Edouard Balladur pourrait subir le même sort, Brice Hortefeux sera forcément interrogé, d'autant qu'il est suspecté d'avoir livré des informations confidentielles sur l'enquête à M. Gaubert...

Et puis, il y a les liens entretenus par le premier cercle de la Sarkozie avec M. Takieddine - lui-même mis en examen. Certes, M. Sarkozy n'est pas un intime de l'homme d'affaires - au contraire de Jean-François Copé, M. Gaubert ou M. Hortefeux -, mais il est acquis que l'intermédiaire a joué, à plusieurs reprises depuis 2007, les émissaires au profit de l'Elysée. Claude Guéant a ainsi dû admettre qu'il était intervenu dans la libération des infirmières bulgares détenues en Libye. Mediapart a publié des documents indiquant que M. Takieddine s'était aussi prévalu de mandats de M. Sarkozy dans le cadre d'éventuels contrats avec l'Arabie saoudite, la Libye, la Syrie...

Là encore, rien de pénalement répréhensible, mais une nouvelle confirmation que l'ombre du chef de l'Etat plane sur ce scandale politico-financier."
lien direct: http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/11/21/affaire-de-karachi-l-ombre-de-sarkozy_1607002_3224.html


KARACHI : PROCES CONTRE HORTEFEUX EN 2012
Europe1.fr 22/11/2011
"Le procès engagé par Olivier Morice, l'avocat des familles des victimes de l'attentat de Karachi, contre Brice Hortefeux pour "diffamation" et "menaces" se tiendra le 18 octobre 2012, a décidé mardi le tribunal correctionnel de Paris, à l'occasion d'une audience de fixation. L'ancien ministre de l'Intérieur avait déclaré dans le Nouvel Observateur qu'il voulait "fracasser" Me Morice. L'avocat avait alors décidé de le citer en justice. Il demande 1 euro de dommages et intérêts et 20.000 euros au titre de frais de justice et la publication du jugement dans cinq quotidiens et cinq hebdomadaires."
lien direct: http://www.europe1.fr/France/Karachi-proces-contre-Hortefeux-en-2012-828183/


AFFAIRE KARACHI : ELARGISSEMENT DE 'ENQUETE A UNE "PISTE CHIRAC"
20 Minutes.fr
"Les juges qui enquêtent sur une possible corruption en marge de contrats d'armement et de la présidentielle de 1995 ont obtenu l'élargissement de leur procédure à une nouvelle piste sur des réseaux présentés comme proches de l'ancien président Jacques Chirac, a-t-on appris vendredi de source judiciaire.

 Le parquet de Paris a accordé aux juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire le réquisitoire dit «supplétif» pour «abus de biens sociaux» qu'ils avaient demandé après l'apparition dans le dossier de nouvelles dépositions et de nouveaux éléments. 

Ils laissent penser que l'argent versé en marge de ces contrats d'armement, déjà supposé avoir financé la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, pourrait avoir ensuite alimenté ces supposés «réseaux Chirac» après l'accession du maire de Paris à l'Elysée la même année.Vieille de 16 ans, cette affaire trouble la droite car elle réveille de vieilles querelles et le nom de Nicolas Sarkozy, à l'époque des faits ministre du Budget et porte-parole de la campagne Balladur, figure en procédure, dans un rapport de police luxembourgeois concernant la création de structures off shore liées à l'argent des marchés."
Lien direct: http://www.20minutes.fr/societe/830592-affaire-karachi-elargissement-enquete-piste-chirac



2 / LES CADEAUX DE TAKIEDDINE


LES CADEAUX DE TAKIEDDINE
Sarkofrance

"... Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.


[...]

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi. Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart.

Résumons-nous: 
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France. 
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004. 
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie."

Qui dit mieux ?
Lien direct: http://sarkofrance.blogspot.com/2011/11/les-cadeaux-de-takieddine_22.html



Autre article :
CADEAUX DE TAKIEDDINE A COPE : MATCH CONTREDIT LE JDD
Arret sur Images 22/11/2011


dimanche 20 novembre 2011

[revue de presse] - [115] - [1-20 novembre 2011]

1 / TAKIEDDINE INSISTE
POURQUOI L'AFFAIRE KARACHI S'ENFLAMME
Slate, Emmanuel Fansten 17/11/2011
"Longtemps réputé pour sa discrétion, Ziad Takieddine fait désormais feu de tout bois dans l'affaire Karachi. Persuadé d’être victime d’un complot, l’homme d’affaires franco-libanais n’hésite plus à appeler lui-même certains journalistes pour mettre les choses au clair. Après des mois de menaces feutrées, la contre-attaque est donc bel et bien lancée. Ses dernières révélations, réservées aux juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, n’ont d’ailleurs pas mis longtemps à fuiter dans la presse. Et elles sont explosives. Alors que les deux magistrats du pôle financier cherchent depuis des mois à comprendre comment des rétro-commissions ont pu servir à financer la campagne d’Edouard Balladur en 1995, Takieddine explique aujourd’hui que ce système occulte n’a jamais pris fin. Et qu’il aurait au contraire continué à alimenter les caisses du clan ennemi, celui formé par les réseaux chiraco-villepinistes. Une véritable bombe à retardement quelques mois avant l’élection présidentielle de 2012. 

[...] C’est peu dire, donc, que les dernières révélations de Ziad Takieddine interviennent dans un contexte hautement inflammable. Accusé d’avoir été le principal artisan des rétro-commissions en marge des contrats Agosta (avec le Pakistan) et Sawari II (Arabie Saoudite), puis écarté du jeu par les chiraquiens après l’élection de mai 1995, il affirme désormais avoir été remplacé par d’autres intermédiaires. Pour appuyer ces lourdes accusations, l’homme d’affaires décrit, numéros de compte à l’appui, un montage financier complexe passant par une banque suisse, sorte de système «bis» utilisant des filières ad hoc. Dans le viseur de Takieddine: Dominique de Villepin, secrétaire général de l’Elysée entre 1995 et 2002, mais surtout le mystérieux Alexandre Djouhri, héros malgré lui du dernier livre de Pierre Péan, La République des mallettes (Fayard). Personnage trouble au parcours énigmatique, Djouhri y est décrit comme une éminence grise de la République au train de vie délirant et à l’entregent fascinant. Un homme soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire dans de nombreux contrats mirifiques passés avec l’Etat français et à qui Péan attribue cette formule lapidaire: «Je les tiens tous par les couilles.» Directement mis en cause par Takieddine, Alexandre Djouhri a déjà annoncé son intention de porter plainte pour diffamation, mais pourrait bien lui aussi finir par devoir s’expliquer. A moins que le parquet ne décide d’étouffer ce volet de l’affaire en refusant d’élargir la saisine des juges à ces nouvelles pistes… 

 Officines et réseaux parallèles Difficile, dans ce contexte, de ne pas voir dans le récent rapprochement entre Sarkozy et Villepin une tentative d’apaisement. Les deux hommes se sont rencontrés discrètement fin octobre à la Lanterne en présence de Claude Guéant. Tous les trois savent aujourd’hui pertinemment qu’ils n’ont rien à gagner à jeter de l’huile sur le feu. Reste la guerre incontrôlable entre Takieddine et Djouhri, qui risque elle aussi de provoquer quelques dégâts. Exactement comme avec Clearstream avant 2007, l’affaire Karachi menace même de déteindre sur l’ensemble de la droite à quelques mois de la présidentielle de 2012. Deux scandales qui ont en commun le rôle central joué par les officines et les réseaux parallèles sur fond de conflit larvé entre balladuriens et chiraquiens. Trois ans avant l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée, en 2004, une note de la DST (ex-DCRI) indiquait ainsi que trois hommes gravitant autour du pouvoir avaient pu «déployer des moyens techniques en relation avec l’affaire Clearstream». Or deux d’entre eux travaillaient justement pour Alexandre Djouhri, alors très proche de Dominique de Villepin. 

Coupable idéal Dans cette lutte d’influence, la galaxie Sarkozy a aussi pu compter sur quelques électrons libres. Le plus remuant s’appelle Pierre Sellier. Ex-conseiller d’EADS, grand amateur de notes en tout genre, il est à la tête de la société Salamandre, soupçonnée d’avoir jouer un rôle trouble en marge de l’affaire Clearstream. Comme l’ont révélé Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme dans Le Contrat (Stock), Sellier s’est également démené dans l’affaire Karachi. Avec un seul objectif: mettre en garde contre l’exploitation «fallacieuse» du dossier par la presse et soutenir contre vents et marées la thèse d’une implication d’al-Qaida dans l’attentat de Karachi. En clair: l’attentat qui a fait 14 morts le 8 mai 2002 n’est pas dû à l’arrêt des rétro-commissions mais aurait été perpétré par des terroristes islamistes. Cette version, longtemps soutenue par le juge Bruguière, n’a jamais convaincu les nouveaux magistrats chargés de l’enquête. Elle continue pourtant régulièrement à refaire surface. Cette semaine, le Nouvel Observateur révèle ainsi ainsi que des fonctionnaires de la DCRI aurait approché le juge Trévidic, en charge du volet terroriste du dossier, pour lui servir à nouveau la thèse d’Al Qaida. Avec de nouveaux détails: l’attentat de Karachi aurait été commandité par un des cerveaux du 11 Septembre, Khaled Cheik Mohamed, aujourd’hui enfermé dans les geôles de Guantanamo. Un coupable idéal servi sur un plateau d’argent par les services de renseignements français, l’idée laisse un peu sceptique Olivier Morice, l’avocat des familles des victimes de l’attentat de Karachi: «Au début de l’affaire, la DST et le juge Bruguière avaient déjà caché aux victimes un rapport d’expertise qui excluait la piste d’un kamikaze. Je crains qu’en cherchant de nouveau à imposer cette version, la DCRI soit instrumentalisée par le pouvoir. C’est d’autant plus gênant que c’est le seul service dont le juge Trévidic dispose pour l’enquête sur le volet terroriste. Mais notre force, c’est qu’il y a plusieurs fronts judiciaires dans ce dossier. On peut étouffer un des aspects, il sera impossible d’étouffer l’ensemble de l’affaire.»"


Autres articles :
- COMMISSIONS DE KARACHI : POURQUOI ON SAIT QUE SARKOZY EST IMPLIQUE 
Sarkofrance, 15/11/2011
- LES CONFIDENCES DE l'EX-MADAME TAKIEDDINE
L'express, Anne Vidalie, 08/11/2011
- KARACHI : DJOURHI PORTE PLAINTE POUR DENONCIATION CALOMNIEUSE
Le Monde, 12/11/2011


2. UNE AVANCÉE ?

KARACHI : CE N'EST JAMAIS FINI !
Charente Libre 11/11/11
""Une avancée très importante". Près de dix ans après l'attentat de Karachi qui a fait 14 morts dont 11 techniciens de la DCN, les familles des victimes ne fléchissent pas dans leur quête de vérité. Hier, elles ont ainsi salué positivement l'avis du Conseil constitutionnel d'invalider une loi votée en juillet 2009 étendant le secret-défense à une vingtaine de lieux dont les sièges des services de renseignement. Les «Sages» de la rue Montpensier ne se risquent pas à statuer qu'il s'agissait d'une loi de circonstance directement liée aux investigations des juges Van Ruymbeke et Le Loire sur le volet financier du dossier Karachi. Mais c'est tout comme. Le fait de soustraire des «zones géographiques» (dont la liste n'a d'ailleurs jamais été rendue publique) «subordonne les pouvoirs d'investigation de l'autorité judiciaire à une autorité administrative» tranche le Conseil. En clair, au pouvoir politique au mépris de l'indépendance de la justice. Cette nouvelle fin de non-recevoir allonge une liste déjà fournie de revers de Nicolas Sarkozy face au Conseil constitutionnel. Certains, notamment dans l'entourage du Chef de l'État, veulent y voir l'influence du président du Conseil, Jean-Louis Debré, d'une fidélité sans faille à l'égard de Jacques Chirac. Un peu court le raisonnement, car cette énième censure du Conseil constitutionnel est très ciblée: elle est une réponse cinglante à François Fillon qui avait refusé en novembre 2010 au juge Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner la DGSE à Paris. Le champ libre désormais laissé aux juges - sous réserve d'autorisation de la Commission consultative sur le secret défense - devrait permettre de tenter de démêler l'écheveau de pistes liées au versement de commissions occultes dans le cadre de la vente par la DCN de sous-marins Agosta au Pakistan..."
Article complet : http://www.charentelibre.fr/2011/11/11/karachi-ce-n-est-jamais-fini,1064474.php


REPORT D'EFFET DANS LE TEMPS
Authueil, 10/11/2011
"Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision sur le secret défense. La classification des documents est constitutionnelle, par contre, la classification des lieux ne l'est pas. Sur le fond, la décision est équilibrée et juste. Il faut un secret défense, par contre, sanctuariser des lieux, c'est too much. Non, ce qui me dérange, c'est le tout dernier paragraphe : "Afin de permettre à l'autorité administrative de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er décembre 2011". On est le 10 novembre 2011... A quoi bon ne reporter que de 20 jours l'ouverture des lieux actuellement sanctuarisés par le secret défense ? A organiser le déménagement et le ménage... Les broyeuses vont tourner ! C'est la première fois que le Conseil constitutionnel "aménage" ainsi une décision d'inconstitutionnalité, pour le confort du pouvoir politique de manière aussi évidente. D'ordinaire, quand un report dans le temps à lieu, c'est en raison des "conséquences manifestement excessives" que pourraient entraîner une annulation immédiate. Pour la garde à vue, il était évident qu'une annulation du jour au lendemain allait mettre une énorme pagaille, on pouvait donc comprendre ce report dans le temps, même si vu sous un autre angle, il était critiquable. Ici, rien de tel ! Une ouverture immédiate des lieux sanctuarisés au titre du secret défense aurait certes gêné le gouvernement, mais aurait sans doute été une très bonne chose pour l'avancement de l'instruction de dossiers entre les mains de la justice. En reportant ainsi l'effet dans le temps de sa décision, le Conseil constitutionnel se rend coupable de complicité de destruction de preuves. Il y a encore du chemin pour que nous ayons une cour constitutionnelle indépendante de l'exécutif, ou qui au moins, ait un minimum de dignité..."
lien direct : http://www.authueil.org/?2011/11/10/1912-report-d-effet-dans-le-temps

INTERVIEW MAGALI DROUET
France 3, Basse Normandie 10/11/2011

KARACHI ; LES FAMILLES DE VICTIMES VONT SAISIR LA CEDH 
NouvelObs, 11/11/2011
"Les familles de victimes de l'attentat de Karachi vont saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour faire condamner la France qui laisse au seul pouvoir exécutif la décision de déclassifier un document secret défense, a annoncé vendredi 11 novembre leur avocat. Le Conseil constitutionnel, saisi par les familles, a censuré jeudi les règles relatives aux lieux classés secret défense, mais a jugé conformes à la Constitution les dispositions encadrant la classification des documents. "Dans sa décision, le Conseil n'a pas abordé un point contraire au principe de séparation des pouvoirs, à savoir qu'il revient au seul pouvoir exécutif de décider in fine de déclassifier ou non des documents" demandés par l'autorité judiciaire, a dit Me Olivier Morice à l'AFP. "C'est pourquoi les familles de victimes vont saisir la CEDH" sur ce point, a-t-il ajouté. Plus généralement, les familles veulent inciter le législateur à l'avenir à ce que la déclassification de documents dépende d'une autorité judiciaire et non plus du seul pouvoir exécutif, a-t-il rappelé. Actuellement, la déclassification d'un document demandée par l'autorité judiciaire est d'abord soumise à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) qui rend un avis consultatif qu'est libre ou non de suivre le ministre concerné. Les avis de la CCSDN sont généralement suivis par l'exécutif. "
lien direct : http://tempsreel.nouvelobs.com/elysee-sous-pression/20111111.OBS4321/karachi-les-familles-de-victimes-de-karachi-vont-saisir-la-cedh.html

A lire également : PERQUISITIONS ET SECRET DEFENSE : LA LOI DE 2009 CONTRAIRE A LA CONSTITUTION Menilmontant mais oui madame, 12/11/2011