1 / TAKIEDDINE INSISTE
POURQUOI L'AFFAIRE KARACHI S'ENFLAMME
Slate, Emmanuel Fansten 17/11/2011
"Longtemps réputé pour sa discrétion, Ziad Takieddine fait désormais feu de tout bois dans l'affaire Karachi. Persuadé d’être victime d’un complot, l’homme d’affaires franco-libanais n’hésite plus à appeler lui-même certains journalistes pour mettre les choses au clair. Après des mois de menaces feutrées, la contre-attaque est donc bel et bien lancée. Ses dernières révélations, réservées aux juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, n’ont d’ailleurs pas mis longtemps à fuiter dans la presse. Et elles sont explosives.
Alors que les deux magistrats du pôle financier cherchent depuis des mois à comprendre comment des rétro-commissions ont pu servir à financer la campagne d’Edouard Balladur en 1995, Takieddine explique aujourd’hui que ce système occulte n’a jamais pris fin. Et qu’il aurait au contraire continué à alimenter les caisses du clan ennemi, celui formé par les réseaux chiraco-villepinistes. Une véritable bombe à retardement quelques mois avant l’élection présidentielle de 2012.
[...] C’est peu dire, donc, que les dernières révélations de Ziad Takieddine interviennent dans un contexte hautement inflammable. Accusé d’avoir été le principal artisan des rétro-commissions en marge des contrats Agosta (avec le Pakistan) et Sawari II (Arabie Saoudite), puis écarté du jeu par les chiraquiens après l’élection de mai 1995, il affirme désormais avoir été remplacé par d’autres intermédiaires.
Pour appuyer ces lourdes accusations, l’homme d’affaires décrit, numéros de compte à l’appui, un montage financier complexe passant par une banque suisse, sorte de système «bis» utilisant des filières ad hoc.
Dans le viseur de Takieddine: Dominique de Villepin, secrétaire général de l’Elysée entre 1995 et 2002, mais surtout le mystérieux Alexandre Djouhri, héros malgré lui du dernier livre de Pierre Péan, La République des mallettes (Fayard). Personnage trouble au parcours énigmatique, Djouhri y est décrit comme une éminence grise de la République au train de vie délirant et à l’entregent fascinant. Un homme soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire dans de nombreux contrats mirifiques passés avec l’Etat français et à qui Péan attribue cette formule lapidaire:
«Je les tiens tous par les couilles.»
Directement mis en cause par Takieddine, Alexandre Djouhri a déjà annoncé son intention de porter plainte pour diffamation, mais pourrait bien lui aussi finir par devoir s’expliquer. A moins que le parquet ne décide d’étouffer ce volet de l’affaire en refusant d’élargir la saisine des juges à ces nouvelles pistes…
Officines et réseaux parallèles
Difficile, dans ce contexte, de ne pas voir dans le récent rapprochement entre Sarkozy et Villepin une tentative d’apaisement. Les deux hommes se sont rencontrés discrètement fin octobre à la Lanterne en présence de Claude Guéant. Tous les trois savent aujourd’hui pertinemment qu’ils n’ont rien à gagner à jeter de l’huile sur le feu. Reste la guerre incontrôlable entre Takieddine et Djouhri, qui risque elle aussi de provoquer quelques dégâts.
Exactement comme avec Clearstream avant 2007, l’affaire Karachi menace même de déteindre sur l’ensemble de la droite à quelques mois de la présidentielle de 2012. Deux scandales qui ont en commun le rôle central joué par les officines et les réseaux parallèles sur fond de conflit larvé entre balladuriens et chiraquiens.
Trois ans avant l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée, en 2004, une note de la DST (ex-DCRI) indiquait ainsi que trois hommes gravitant autour du pouvoir avaient pu «déployer des moyens techniques en relation avec l’affaire Clearstream». Or deux d’entre eux travaillaient justement pour Alexandre Djouhri, alors très proche de Dominique de Villepin.
Coupable idéal
Dans cette lutte d’influence, la galaxie Sarkozy a aussi pu compter sur quelques électrons libres. Le plus remuant s’appelle Pierre Sellier. Ex-conseiller d’EADS, grand amateur de notes en tout genre, il est à la tête de la société Salamandre, soupçonnée d’avoir jouer un rôle trouble en marge de l’affaire Clearstream. Comme l’ont révélé Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme dans Le Contrat (Stock), Sellier s’est également démené dans l’affaire Karachi. Avec un seul objectif: mettre en garde contre l’exploitation «fallacieuse» du dossier par la presse et soutenir contre vents et marées la thèse d’une implication d’al-Qaida dans l’attentat de Karachi.
En clair: l’attentat qui a fait 14 morts le 8 mai 2002 n’est pas dû à l’arrêt des rétro-commissions mais aurait été perpétré par des terroristes islamistes. Cette version, longtemps soutenue par le juge Bruguière, n’a jamais convaincu les nouveaux magistrats chargés de l’enquête. Elle continue pourtant régulièrement à refaire surface.
Cette semaine, le Nouvel Observateur révèle ainsi ainsi que des fonctionnaires de la DCRI aurait approché le juge Trévidic, en charge du volet terroriste du dossier, pour lui servir à nouveau la thèse d’Al Qaida. Avec de nouveaux détails: l’attentat de Karachi aurait été commandité par un des cerveaux du 11 Septembre, Khaled Cheik Mohamed, aujourd’hui enfermé dans les geôles de Guantanamo. Un coupable idéal servi sur un plateau d’argent par les services de renseignements français, l’idée laisse un peu sceptique Olivier Morice, l’avocat des familles des victimes de l’attentat de Karachi:
«Au début de l’affaire, la DST et le juge Bruguière avaient déjà caché aux victimes un rapport d’expertise qui excluait la piste d’un kamikaze. Je crains qu’en cherchant de nouveau à imposer cette version, la DCRI soit instrumentalisée par le pouvoir. C’est d’autant plus gênant que c’est le seul service dont le juge Trévidic dispose pour l’enquête sur le volet terroriste. Mais notre force, c’est qu’il y a plusieurs fronts judiciaires dans ce dossier. On peut étouffer un des aspects, il sera impossible d’étouffer l’ensemble de l’affaire.»"
Article complet : http://www.slate.fr/story/46343/affaire-karachi-takieddine
Autres articles :
- COMMISSIONS DE KARACHI : POURQUOI ON SAIT QUE SARKOZY EST IMPLIQUE
Sarkofrance, 15/11/2011
- LES CONFIDENCES DE l'EX-MADAME TAKIEDDINE
L'express, Anne Vidalie, 08/11/2011
- KARACHI : DJOURHI PORTE PLAINTE POUR DENONCIATION CALOMNIEUSE
Le Monde, 12/11/2011
2. UNE AVANCÉE ?
Charente Libre 11/11/11
""Une avancée très importante". Près de dix ans après l'attentat de Karachi qui a fait 14 morts dont 11 techniciens de la DCN, les familles des victimes ne fléchissent pas dans leur quête de vérité. Hier, elles ont ainsi salué positivement l'avis du Conseil constitutionnel d'invalider une loi votée en juillet 2009 étendant le secret-défense à une vingtaine de lieux dont les sièges des services de renseignement. Les «Sages» de la rue Montpensier ne se risquent pas à statuer qu'il s'agissait d'une loi de circonstance directement liée aux investigations des juges Van Ruymbeke et Le Loire sur le volet financier du dossier Karachi. Mais c'est tout comme.
Le fait de soustraire des «zones géographiques» (dont la liste n'a d'ailleurs jamais été rendue publique) «subordonne les pouvoirs d'investigation de l'autorité judiciaire à une autorité administrative» tranche le Conseil. En clair, au pouvoir politique au mépris de l'indépendance de la justice. Cette nouvelle fin de non-recevoir allonge une liste déjà fournie de revers de Nicolas Sarkozy face au Conseil constitutionnel. Certains, notamment dans l'entourage du Chef de l'État, veulent y voir l'influence du président du Conseil, Jean-Louis Debré, d'une fidélité sans faille à l'égard de Jacques Chirac.
Un peu court le raisonnement, car cette énième censure du Conseil constitutionnel est très ciblée: elle est une réponse cinglante à François Fillon qui avait refusé en novembre 2010 au juge Van Ruymbeke l'autorisation de perquisitionner la DGSE à Paris. Le champ libre désormais laissé aux juges - sous réserve d'autorisation de la Commission consultative sur le secret défense - devrait permettre de tenter de démêler l'écheveau de pistes liées au versement de commissions occultes dans le cadre de la vente par la DCN de sous-marins Agosta au Pakistan..."
Article complet : http://www.charentelibre.fr/2011/11/11/karachi-ce-n-est-jamais-fini,1064474.phpREPORT D'EFFET DANS LE TEMPS
Authueil, 10/11/2011
"Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision sur le secret défense. La classification des documents est constitutionnelle, par contre, la classification des lieux ne l'est pas. Sur le fond, la décision est équilibrée et juste. Il faut un secret défense, par contre, sanctuariser des lieux, c'est too much. Non, ce qui me dérange, c'est le tout dernier paragraphe : "Afin de permettre à l'autorité administrative de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er décembre 2011". On est le 10 novembre 2011... A quoi bon ne reporter que de 20 jours l'ouverture des lieux actuellement sanctuarisés par le secret défense ? A organiser le déménagement et le ménage... Les broyeuses vont tourner ! C'est la première fois que le Conseil constitutionnel "aménage" ainsi une décision d'inconstitutionnalité, pour le confort du pouvoir politique de manière aussi évidente. D'ordinaire, quand un report dans le temps à lieu, c'est en raison des "conséquences manifestement excessives" que pourraient entraîner une annulation immédiate. Pour la garde à vue, il était évident qu'une annulation du jour au lendemain allait mettre une énorme pagaille, on pouvait donc comprendre ce report dans le temps, même si vu sous un autre angle, il était critiquable. Ici, rien de tel ! Une ouverture immédiate des lieux sanctuarisés au titre du secret défense aurait certes gêné le gouvernement, mais aurait sans doute été une très bonne chose pour l'avancement de l'instruction de dossiers entre les mains de la justice. En reportant ainsi l'effet dans le temps de sa décision, le Conseil constitutionnel se rend coupable de complicité de destruction de preuves. Il y a encore du chemin pour que nous ayons une cour constitutionnelle indépendante de l'exécutif, ou qui au moins, ait un minimum de dignité..."
lien direct : http://www.authueil.org/?2011/11/10/1912-report-d-effet-dans-le-temps
INTERVIEW MAGALI DROUET
France 3, Basse Normandie 10/11/2011
KARACHI ; LES FAMILLES DE VICTIMES VONT SAISIR LA CEDH
NouvelObs, 11/11/2011
"Les familles de victimes de l'attentat de Karachi vont saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour faire condamner la France qui laisse au seul pouvoir exécutif la décision de déclassifier un document secret défense, a annoncé vendredi 11 novembre leur avocat.
Le Conseil constitutionnel, saisi par les familles, a censuré jeudi les règles relatives aux lieux classés secret défense, mais a jugé conformes à la Constitution les dispositions encadrant la classification des documents.
"Dans sa décision, le Conseil n'a pas abordé un point contraire au principe de séparation des pouvoirs, à savoir qu'il revient au seul pouvoir exécutif de décider in fine de déclassifier ou non des documents" demandés par l'autorité judiciaire, a dit Me Olivier Morice à l'AFP.
"C'est pourquoi les familles de victimes vont saisir la CEDH" sur ce point, a-t-il ajouté.
Plus généralement, les familles veulent inciter le législateur à l'avenir à ce que la déclassification de documents dépende d'une autorité judiciaire et non plus du seul pouvoir exécutif, a-t-il rappelé.
Actuellement, la déclassification d'un document demandée par l'autorité judiciaire est d'abord soumise à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) qui rend un avis consultatif qu'est libre ou non de suivre le ministre concerné. Les avis de la CCSDN sont généralement suivis par l'exécutif. "
lien direct : http://tempsreel.nouvelobs.com/elysee-sous-pression/20111111.OBS4321/karachi-les-familles-de-victimes-de-karachi-vont-saisir-la-cedh.htmlA lire également : PERQUISITIONS ET SECRET DEFENSE : LA LOI DE 2009 CONTRAIRE A LA CONSTITUTION Menilmontant mais oui madame, 12/11/2011