mardi 28 décembre 2010

[revue de presse] - [89] - [19-29 décembre 2010]



Liberation
"Deux ex-de la DCN placés sous le statut de témoins assistés et un ancien de la DGSE qui évoque une intervention de l’Elysée, confirmant les informations de Libération: du nouveau dans la complexe enquête sur l’affaire Karachi.
Chargé d’un volet des investigations sur l’attentat de Karachi en 2002, Renaud Van Ruymbeke, a ainsi placé deux anciens responsables de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCN), sous le statut de témoins assistés. Comprendre: un statut intermédiaire entre ceux de simple témoin et de mis en examen. Il s’agit de Philippe Japiot, ancien président de la DCN International et Alex Fabarez, directeur général de la DCNI au moment de l’attentat, selon l’AFP, confirmant une information de France Inter.
Ils sont soupçonnés de ne pas avoir transmis à la justice des documents évoquant un possible lien entre l’attentat et l’arrêt des commissions versées dans le cadre de la signature de contrats d’armement avec le Pakistan en 1995 et l’attentat de Karachi, qui a tué 15 personnes en mai 2002, dont 11 salariés français de la DCN. Parmi ces documents, figure le rapport Nautilus, saisi en 2008 au siège de la DCNS (ancienne DCN), selon lequel l’arrêt des commissions, décrété après l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée en 1995, «visait à assécher les réseaux de financement occultes de l’Association pour la Réforme», l’association de financement de la campagne électorale d’Edouard Balladur, suggérant le versement de rétro-commissions vers la France.
«Je ne connais pas le dossier Nautilus», se défend Philippe Japiot, interrogé, le 5 mai, par la mission d’information parlementaire sur Karachi. Aussi interrogé par les députés, en décembre 2009, Alex Fabarez a douté de l’hypotèse selon laquelle des intermédiaires mécontents auraient laissé passer plusieurs années entre l’arrêt de commissions et l’attentat, selon le rapport de la mission.

«Voir ce qu’il y a derrière tout ça»

Par ailleurs, un ancien membre de la DGSE (Direction générale des services extérieurs), Alain Juillet, a rapporté au juge Renaud Van Ruymbeke avoir été mandaté par l’Elysée en 2008 pour prendre contact avec Jean-Marie Boivin, témoin-clé de l’affaire Karachi,. Une confirmation des informations révélées par Libération le 25 novembre dernier..."


France2
"...Juillet était convaincu que Boivin avait des archives
M. Juillet, ancien membre de la Direction générale des services extérieurs (DGSE), a affirmé le 17 décembre au juge Van Ruymbeke avoir été contacté en juin 2008 par Bernard Delpit, à  l'époque collaborateur de François Pérol, ancien secrétaire général adjoint à l'Elysée, pour qu'il prenne attache avec M. Boivin.
M. Juillet, qui exerçait alors les fonctions de haut-responsable à  l'intelligence économique auprès de Matignon, a ainsi rencontré M. Boivin à trois reprises, à Londres, entre septembre 2008 et mai 2009.
"J'étais convaincu qu'il (M. Boivin) avait des archives et qu'il valait mieux les récupérer et négocier avec lui une indemnité de départ raisonnable", a expliqué M. Juillet.
 Lors de leurs différentes rencontres à Londres, M. Boivin "a surtout parlé de Karachi", a assuré l'émissaire de l'Elysée. "C'est le premier que j'ai entendu dire que l'attentat était lié à l'arrêt du versement des commissions. Pour lui, c'était une évidence", a ajouté M. Juillet, 68 ans.
 Celui-ci a précisé au juge Van Ruymbeke avoir pris avec des pincettes les affirmations de son interlocuteur : "Quand on l'écoutait, on a l'impression qu'il savait tout. Mais quand on lui posait des questions précises, c'était totalement flou", a poursuivi M. Juillet.
"La cerise sur le gâteau, c'est que j'ai reçu, il y a un mois et demi, une lettre de Suisse m'informant que M. Boivin avait remis toutes les pièces à un représentant de la DCN", ajoute M. Juillet, laissant entendre que M. Boivin aurait renoncé à une partie des documents qu'il affirmait détenir dans un coffre en Suisse.


Anticor
"L’association Anticor a décidé lors de son Conseil d’Administration du 2 décembre 2010, par l’intermédiaire de son Conseil Maître Jérôme KARSENTI du barreau du Val de Marne, de se constituer partie civile dans le cadre de l’information judicaire ouverte chez le juge Van Ruymbeke à la suite de l’attentat de Karachi notamment pour les faits de corruption active et passive relatifs aux contrats d’armement.
L’association estime en effet, que les révélations de ce dossier mettent en évidence l’importance structurelle de la corruption dans le fonctionnement de l’Etat et ce jusqu’à son plus haut niveau. La gravité des faits dénoncés ne peut échapper à personne, tant elle démontre, que les plus hautes autorités de l’Etat ont utilisé les prérogatives du pouvoir qui leur étaient démocratiquement confiées par les citoyens, pour satisfaire contre l’intérêt général, contre l’intérêt économique, des intérêts partisans et personnels.
L’association Anticor espère que le pouvoir en place, usant de son bras armé judiciaire le parquet, ne tentera pas par des manœuvres de procédure, de diviser de manière artificielle un dossier qui a sa cohérence propre.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que l’association Anticor estime de son devoir impérieux de contribuer à permettre l’aboutissement de la vérité. »


SarkoFrance
"...De nouvelles informations, une succession de courriers, d'extraits d'audition ou de contrats, ont été publiés par France Inter jeudi 23 décembre. Le journaliste Benoit Collombat révèle notamment, documents à l'appui, que les services juridiques de la branche commerciale de la Direction des constructions navales (DCNI) se sont inquiétés de savoir, fin 2000 et début 2001, si le non-versement des 15% de commissions occultes dues sur le contrat Agosta, décidé par Jacques Chirac en 1996, pouvait poser problème vis-à-vis des intermédiaires. Pourquoi ? Trois faits troublaient la direction de la DCNI : les intermédiaires concernés ne réclamaient rien, le contrat original n'était plus en leur possession, alors que les autorités françaises avaient mentionné l'existence de rétro-commissions.

Or, une convention de l'OCDE avait rendu illégale, à compter de septembre 2000, ce type de commissions versées à des intermédiaires pour faciliter la vente de matériel, en l'occurrence militaire.

Le journaliste fait notamment état de quatre documents

1. En juillet 2000, dans une note intitulée « Consultancy Agreement 12 juillet 1994. Reprise de provision », adressée à la direction juridique de la DCNI, on peut lire cette troublante confirmation des déclarations de Dominique de Villepin et Charles Millon voici 3 semaines devant les juges: « en juillet 1996 les paiements [de commissions] sont bloqués sur instructions des autorités françaises faisant état de retours illicites de tout ou partie des commissions en France. » Nicolas Sarkozy, lors du sommet de Lisbonne, s'était étonné de ces accusations de rétro-commissions qu'il assimilait à des rumeurs. 

2. Le 30 août 2000, un conseiller juridique, Guy Robin, écrit au directeur de la DCNI sur l’« analyse de l’Accord M», désignant un Consultant et une société, Mercor Finances, enregistrée au Panama, l'un des destinataires de commissions occultes du contrat Agosta. Il souligne que le Consultant ne s'est pas manifesté depuis l'arrêt des versements 4 ans plus tôt. Mais il s'interroge surtout sur la réalité du contrat : « L’accord n’a pas clairement et précisément défini les obligations contractuelles pesant sur le Consultant. » Et il souligne son « doute quant à la réciprocité réelle des obligations entre les Parties et, plus particulièrement, quant à la réalité des prestations d’informations et d’assistance venant en contrepartie de la rémunération. » En d'autres termes, le conseiller juridique de la DCNI dénonce explicitement le caractère fictif du contrat de commission. 

3. Le 18 janvier 2001, le même Guy Robin écrit à l’avocat Eric Ginter, du cabinet Gide-Loyrette-Nouel, qui conseillait alors la DCNI. Il s'inquiète à nouveau de « la conduite à tenir vis-à-vis de ce consultant sur le plan strictement juridique et sur le traitement tant comptable que fiscal à réserver au solde des sommes qui ont été provisionnées. » Autrement dit, la DCNI s'inquiète toujours des conséquences éventuelles de l'arrêt du versement des commissions. Rappelons la thèse défendue par Dominique de Villepin, selon laquelle le lien entre cet arrêt et l'attentat est inexistant. Vraiment ?

4. Le 24 janvier 2001, dans un autre courrier à la direction de la DCNI, Guy Robin explique qu'il considère que l'interdiction de versement de commissions, désormais effective, constitue « un argument juridique suffisamment fort pour mettre un terme à l’accord de consultance en question du fait de sa violation à l’ordre public français et, plus particulièrement, à la loi pénale française. »

Benoit Collombat fait également état de certaines auditions menées par le juge Marc Trévidic auprès de trois dirigeants de la DCNI en 2009 et 2010 :  Guy Robin  (directeur juridique), Emmanuel Aris (directeur international), et Gérard-Philippe Ménayas (directeur financier). Selon ces témoignages troublants :

1. La société Heine, dirigée par Jean-Marie Boivin, et dont la création a été validée par le ministre du Budget Nicolas Sarkozy en 1994, a servi à faire transiter les quelques 33 millions d'euros de commissions, de la DCNI vers des « petites banques régionales », « pour des raisons de discrétion.»

2. Le fameux contrat de consultant, par lequel Ziad Takiedine a perçu des commissions malgré un rôle imprécis dans la vente des sous-marins serait stocké dans le coffre d'un notaire en Suisse : « le 22 septembre 2000, le PDG de DCNI, Dominique Castallan envoie un courrier au notaire suisse, Maître Pierre Natural, censé détenir l’original de ce fameux contrat de consultant », dans lequel il fait état d'un « accord transactionnel » signé par la DCNI en faveur du consultant.

Au passage, quelques noms surgissent ici ou là dans ces révélations : Eric Ginter, à l'époque avocat de la DCNI, est actuellement avocat du frère de l'émir du Qatar, Abdallah Ben Abdallah Al-Thani. Son cabinet de l'époque, Gide-Loyrette, fut le même qui, de 2007 à 2010, a embauché Jean-François Copé, actuel secrétaire général de l'UMP. 

Le monde est petit. Très petit.

Jeudi 23 décembre, Mediapart révélait que l'Elysée avait commandé, en 2008 et 2009, une mission secrète pour « négocier avec l'ancien dirigeant d'une société écran de la Direction des constructions navales (DCN) ». L'information est tirée du témoignage de l'ancien numéro deux de la DGSE, le service de contre-espionnage français, auprès du juge Renaud Van Ruymbeke. Alain Juillet, à l'époque, travaillait à Matignon :  
«Début juin 2008, Bernard Delpit, adjoint de François Pérol à l'Elysée (M. Pérol était alors secrétaire général adjoint de la présidence, NDLR) me téléphone et me dit: "On a un problème. Quelqu'un nous a écrit en nous demandant des indemnités très importantes. Est-ce que vous pouvez voir ce qu'il y a derrière tout cela ?"»
Ce quelqu'un est Jean-Marie Boivin. Il y a 3 semaines, on a appris que ce Boivin avait écrit à plusieurs reprises à Nicolas Sarkozy, jusqu'à lui faire suivre, le 16 mai 2007, jour de son intronisation, la copie d'une facture de 8 millions d'euros pour « services rendus. » Dix-huit mois plus tard, le 24 janvier 2009, un protocole d'accord était conclu, attribuant effectivement 8 millions d'euros à Jean-Marie Boivin.

Alain Juillet explique ce qu'il découvre, après ses 3 rencontres officieuses avec Boivin: « dans la société Heine, il y avait des quantités de mouvements financiers». Et : « Je pensais qu'il n'était pas de l'intérêt général que toutes ces histoires sortent dans les médias luxembourgeois ou ailleurs, même si à l'époque ces commissions étaient légales ». Soyons précis : Alain Juillet mentionne que les commissions, à l'époque, étaient légales. Il ne s'agirait donc pas de rétro-commissions selon lui. Selon lui, il lui semblait « légitime » d'indemniser Boivin de 2,5 à 3 millions d'euros. Il détailla au juge Van Ruymbeke toutes ses démarches de négociations pour convaincre Jean-Marie Boivin que 3 millions d'euros étaient une indemnité largement suffisante. Sa mission terminée, Juillet quitta un peu plus tard Matignon.

En janvier 2009, Boivin reçut effectivement une indemnité. Elle ne fut pas de 3 mais de 8 millions d'euros, l'exact montant qu'il réclamait depuis le début. La réaction de Juillet, devant le juge, est une évident surprise : « «Je n'en suis pas revenu, pour moi ce n'était pas possible (...) Si on lui a payé 8 millions, comme le disent les journaux, c'est qu'il y a des choses qui m'ont échappé.» Mieux, il explique même que Boivin, selon ses informations, aurait depuis remis toutes ses archives compromettantes à l'Elysée. 

Résumons-nous :

1. Finalement, la thèse d'un lien entre l'arrêt des versements de commissions à certains intermédiaires non pakistanais refait surface.

2. L'Elysée a fait enquêter, pour négocier un « accord du silence » avec l'un des hommes clés de cette affaire de Karachi, Jean-Marie Boivin, à l'exacte même période où Nicolas Sarkozy qualifiait de fable la thèse d'un lien entre ces commissions occultes et l'attentat de Karachi."

Article connexe : 

samedi 18 décembre 2010

[revue de presse] - [88] - [14-18 décembre 2010]


2 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT AU SUJET DE "L'AFFAIRE KARACHI" 14/12/2010
BERNARD CAZENEUVE (PS) (réponse par FRANCOIS BAROUIN (UMP)


Patrick Roger, Le Monde 17/12/2010
La majorité du bureau de l'Assemblée nationale a refusé, mercredi 15 décembre, de transmettre au juge Marc Trévidic les documents et les enregistrements des auditions réalisées par la mission d'information sur l'attentat de Karachi, en 2002. Le bureau de l'Assemblée, invoquant le "principe de séparation des pouvoirs", a estimé que la demande d'accès du juge à des documents internes "interfère avec l'exercice de la mission de contrôle" du Parlement. La transmission des documents, ajoute le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, remettrait en cause la décision de la commission de la défense de ne pas rendre publiques ses auditions. [...] Le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, déplore cette décision qui, selon lui, "ne grandit pas le Parlement".

LIRE EGALEMENT :


Mina Kaci, L'humanité 15/12/2010
"L’information judiciaire pour enquêter sur des soupçons de corruption autour d’un contrat d’armement, dit Sawari II, avec l’Arabie saoudite est ouverte. Le parquet de Paris a en effet donné son feu vert après la demande faite, en novembre, par le juge Renaud Van Ruymbeke, qui investiguait sur le volet de l’affaire Karachi. Cependant, ce dernier n’enquêterait pas sur ces faits nouveaux au motif qu’ils sont de «nature différente», selon le parquet de Paris, non sans provoquer la colère des parties civiles, voyant dans cette décision une volonté d’écarter le juge Van Ruymbeke.
Conclu dans les années 1990, ce contrat prévoyait la vente de frégates La Fayette pour 2,9 milliards d’euros. Le montant des commissions, légales jusqu’en 2000, s’élevait à 18 % de la somme du contrat. Les juges examinent l’hypothèse selon laquelle l’attentat de Karachi de 2002 aurait été commis en raison de l’arrêt du paiement des commissions. Deux intermédiaires ont touché d’importantes sommes, comme ils l’ont fait sur un autre contrat effectué la même année avec le Pakistan.
Selon Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission parlementaire sur l’attentat, « pour raisonner sur la problématique » d’un lien entre un arrêt de versement de commissions et la tuerie, « il faut prendre en compte » à la fois le contrat de vente de sous-marins conclu avec le Pakistan et la vente de frégates, la même année, à l’Arabie saoudite.
Le député socialiste a dénoncé hier de « nouvelles manœuvres », après l’ouverture de l’instruction distincte. Il revient désormais à la présidente du tribunal de grande instance de Paris de désigner le juge d’instruction qui réalisera cette nouvelle enquête. «Je m’inquiète du risque de saucissonnage» du dossier Karachi, déclare Bernard Cazeneuve. «Cette stratégie du parquet, d’entrave du travail des juges indépendants, constitue une nouvelle manifestation de mépris à l’égard de la volonté des familles d’accéder à la vérité», ajoute le rapporteur de la mission parlementaire."

LIRE EGALEMENT :


Guillaume Dasquié, Libération 15/12/2010
"L’ONG Anticor, dédiée à l’étude des phénomènes de corruption, a déposé plainte ce mercredi dans le volet financier du dossier Karachi. Cet après-midi, l’avocat d’Anticor, Jérôme Karsenti, s’est constitué partie civile entre les mains du juge Renaud Van Ruymbeke.

Dans un courriel transmis à «Libération», l’avocat estime que «les révélations de ce dossier mettent en évidence l’importance structurelle de la corruption dans le fonctionnement de l’Etat et ce jusqu’à son plus haut niveau. La gravité des faits dénoncés ne peut échapper à personne, tant elle démontre, que les plus hautes autorités de l’Etat ont utilisé les prérogatives du pouvoir qui leur étaient démocratiquement confiées par les citoyens, pour satisfaire contre l’intérêt général, contre l’intérêt économique, des intérêts partisans et personnels».

Une audience de la chambre de l’instruction consacrée au volet financier du dossier Karachi se déroulera le 10 janvier. Cette chambre chargée d’examiner le bien-fondé des procédures judiciaires devra se prononcera sur la recevabilité de l’instruction de Renaud Van Ruymbeke sur les soupçons de corruption entourant la vente de sous-marins Agosta, en 1994, au Pakistan..."


LIRE EGALEMENT :

vendredi 10 décembre 2010

[video] - [@si : investiguer sur Karachi]

Version intégrale du débat diffusé sur Arretsurimage.net au sujet de "l'affaire Karachi".
Enregistré le 26 novembre 2010. Durée : 1h30.
Animé par Daniel Schneidermann avec Magali Drouet, Fabrice Arfi, Guillaume Dasquié, Dan Israel, Didier Porte...

[revue de presse] - [87] - [5-10 décembre 2010]

LeMonde.fr, Gérard Davet
"Contrôleur général des armées, Jean-Louis Porchier s'est longuement confié à la mission parlementaire d'enquête sur l'attentat de Karachi, qui a fait onze victimes françaises, en 2002. Son témoignage, que Le Monde a pu consulter, est resté confidentiel depuis le 15 décembre 2009, date de son audition. Il est essentiel.
Car M. Porchier sait tout du contrat Agosta, signé le 21 septembre 1994 par le gouvernement d'Edouard Balladur, prévoyant la livraison de trois sous-marins au Pakistan. Or, le juge antiterroriste Marc Trévidic estime que l'arrêt du versement des commissions promises pour ce contrat à divers intermédiaires, imposé par Jacques Chirac en 1995, a pu déclencher un mécanisme conduisant à l'attentat de Karachi.
Le juge financier Renaud Van Ruymbeke postule, quant à lui, que le contrat Agosta a pu générer des rétrocommissions venues gonfler les caisses de M. Balladur pour sa campagne présidentielle, en 1995. En mars 1999, M. Porchier avait rendu un rapport d'enquête au ministère de la défense, détaillant de nombreuses irrégularités dans l'éxécution du contrat.
Les commissions ? "On arrivait ainsi à un total de 800 millions de francs de commissions [122 millions d'euros] ce qui est totalement excessif et injustifié", explique le contrôleur général. Lors de son enquête, il va donc se rapprocher d'un personnage clef de l'industrie de l'armement français, Michel Ferrier, ex-directeur des transferts sensibles au secrétariat général de la défense nationale (SGDN)..."



Le Point.fr, Thierry Leveque - 8/12
"PARIS (Reuters) - Les comptes de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 étaient sous-évalués de plus de 13 millions de francs (deux millions d'euros) et auraient pu donner lieu à de lourdes pénalités, selon des pièces saisies par la police publiées mercredi.

Les rapporteurs du Conseil constitutionnel estimaient les dépenses totales de la campagne du rival de Jacques Chirac à 97,2 millions de francs et non 83,8 comme l'avait déclaré le trésorier, dans un rapport d'experts du Conseil constitutionnel cité par le site internet d'information Mediapart.

Ce rapport sur les comptes d'Edouard Balladur a été saisi et placé sous scellés avec les pièces comptables par la police en mai dernier, dans une enquête pénale sur un supposé financement de la campagne par une corruption en marge d'une vente de sous-marins au Pakistan.

Le total de 97,2 millions de FF excédait le plafond légal de 7,2 millions de FF (1,09 million d'euros), somme qui aurait donc dû être remboursée au Trésor public, selon le code électoral. Par ailleurs, Edouard Balladur n'étant plus éligible aux aides publiques pour ses dépenses, il aurait aussi dû rembourser beaucoup d'argent.

Les rapporteurs faisaient par ailleurs mention de versements en espèces de 13 millions de FF aux caisses de campagne, non justifiés, car l'explication d'Edouard Balladur parlant de vente de T-shirts et de gadgets était jugée peu crédible, selon des éléments déjà publiés dont Reuters a eu connaissance.

Au vu de tous ces éléments, les rapporteurs ont proposé au Conseil constitutionnel de rejeter les comptes mais l'institution, sous la présidence du socialiste Roland Dumas, l'a refusé après une réunion à huis clos le 3 octobre 1995, selon la décision finale officielle..."


Mediapart, Fabrice Arfi, Fabrice Lhomme - 6/12
"Des documents confidentiels placent l'Elysée au cœur du volet financier de l'affaire Karachi. Après son élection à la présidence, Nicolas Sarkozy a été destinataire de la copie d'une facture de 8 millions d'euros, prix d'un «chantage d'Etat» sur fond de ventes d'armes. Un autre courrier adressé fin 2007 par un dirigeant de la DCN à François Pérol, alors en poste à l'Elysée, évoque l'affaire. La police a également récupéré des éléments sur les liens actuels entre Claude Guéant et Brice Hortefeux et l'homme d'affaires Ziad Takieddine..."


Autres articles :


Challenges - 6/12
"[...] Selon le Journal du dimanche, Ziad Takieddine veut être entendu par le juge Renaud van Ruymbeke pour s'expliquer sur les termes du contrat "Sawari II" de vente de frégates militaires à l'Arabie Saoudite.
Le JDD évoque également une "note confidentielle", datant de septembre 1996, de l'homme d'affaires remise au Premier ministre libanais d'alors, Rafic Hariri, dans laquelle "il accuse les chiraquiens de vouloir faire main basse sur les commissions". Il est également question d'une intervention, inconnue jusqu'à présent, du proche de Jacques Chirac, dont la banque aurait débloqué, dans le plus grand secret, 300 millions de francs de l'époque... Une intervention qui pourrait relancer l'affaire.
Pour Ziad Takieddine, les 11 salariés français morts à Karachi sont les "victimes probables de règlements de comptes franco-français"..."

samedi 4 décembre 2010

[revue de presse] - [86] - [samedi 4 décembre 2010]


Dan Israel, Arrêt sur image
Enquête sur les récents articles du Monde et du Figaro autour de l'attetat de Karachi...
"Le Monde ne croit pas au lien qui pourrait exister entre l'attentat de Karachi, qui a tué 14 personnes dont 11 employés français de la DCN le 8 mai 2002, et l'arrêt du versement des commissions sur ventes d'armes par Jacques Chirac, en 1995.
Et il le dit de façon très nette, sans doute pour la première fois : "Y a-t-il un lien entre l'attentat de Karachi et le financement de la campagne présidentielle de 1995 ? Probablement pas, mais chacun a intérêt à entretenir cette fiction juridique pour faire avancer un dossier si sensible qu'il est constamment menacé d'étouffement."
Ces phrases ouvrent l'article de Franck Johannès, qui détaille la "construction judiciaire un peu acrobatique" du dossier, auquel sont consacrées trois instructions différentes. Le Monde, dans son édition datée du 1er décembre, consacre quatre pages d'explications détaillées à "l'affaire de Karachi, une rivalité d'Etat".


La plupart des éléments avancés correspondent à ce qui a été dit sur notre plateau la semaine dernière. Mais, alors que nos invités étaient restés prudents sur les liens possibles entre arrêt de versement des commissions et attentat, laissant entendre à plusieurs reprises que ce lien n'était pas prouvé, mais pas non plus démenti, Le Monde tranche.
Le lien possible entre les deux éléments de l'affaire -la vente d'armes au sens large, et l'attentat- avait été évoqué pour la première fois en 2002 dans le "rapport Nautilus", révélé en 2008 par Mediapart (comme nous l'expliquions ici). Rédigé par Claude Thévenet, un ancien des services secrets pour le compte de la DCN, il avait été saisi par les enquêteurs au siège de l'entreprise.
La piste pointée par le rapport Nautilus a été propulsée sur le devant de la scène par le juge d'instruction Marc Trévdic, qui enquête sur l'attentat lui-même. En juin 2009, il qualifiait cette piste de "cruellement logique", avant d'indiquer un an plus tard que cette "piste financière" lui semblait la seule "crédible". Mais Le Monde rappelle que l'expertise de Thévenet est sujette à caution : "Il est d'autant plus péremptoire qu'il n'a guère de preuves, et qu'il a facturé sa prestation 40 000 euros : il fallait que la DCN en ait pour son argent." D'ailleurs, "la mission d'enquête parlementaire, en mai, a été estomaquée par ses méthodes"...."


Christophe Barbier, L'express
"Quand Hervé Morin a reçu, des trois services concernés au ministère de la Défense, les documents réclamés par la justice dans le cadre de l'affaire Karachi, il leur a demandé si aucune pièce n'avait été oubliée. "Aucune", ont assuré les responsables. "Mais, quand je leur ai demandé de certifier par écrit que les dossiers étaient complets, qu'ils n'avaient rien caché, raconte l'ex-ministre, l'un des services a subitement retrouvé quelques éléments à joindre à l'envoi..."


Bruno Place, L'observateur du cambraisis
"Jean-Jacques Candelier, député communiste du Nord, également maire de Bruille-lez-Marchiennes et président de la CCCO, est prêt à transmettre au juge d'instruction Marc Trévidic, chargé d'enquêter sur le Karachigate, les documents de la mission d'information parlementaire dont il a été membre et qui examinait les circonstances de l'attentat de Karachi de 2002.
C'est chose faite depuis le 1er décembre. En diffusant ce courrier, Jean-Jacques Candelier prend le contre-pied du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui refusait de transmettre ces procès-verbaux à la justice.
L'Observateur du Douaisis: Pourquoi allez-vous donner vos documents au juge d'instruction ?
Jean-Jacques Candelier: Je veux la vérité pour les familles des victimes. Par principe, je pense qu'il faut aider la justice. Pour moi, on veut étouffer cette affaire.
Les documents que vous avez en votre possession peuvent-ils faire éclater la vérité ?
Je n'en sais rien. Je n'en connais pas le contenu précis et je ne vais pas les potasser pendant mon week-end. Il est possible qu'il n'y ait rien d'intéressant dedans. Je compte les donner simplement pour aider la justice.
Quels sont ces documents ?
Il s'agit de la retranscription précise faite à partir de notes de collaborateurs et d'enregistrements des auditions menées par les cinq parlementaires de cette mission Karachi.
L'interview dans son intégralité dans notre édition du 2 décembre"


Gerard Davet, Le Monde
"L'ancien ministre de la défense (1993-1995) François Léotard a le sentiment que l'attentat de Karachi, qui a fait onze victimes françaises en 2002, est dû à l'arrêt du versement des commissions à des intermédiaires pakistanais, en marge du contrat Agosta signé en 1994. C'est ce qu'il affirme dans son procès-verbal d'audition devant la mission parlementaire d'information, établi le 24 novembre 2009.
Ce document a été remis, mercredi 1er décembre, au juge antiterroriste Marc Trévidic par le député communiste (Nord) Jean-Jacques Candelier, membre de la mission. Le Monde a pu consulter les déclarations de l'ancien ministre du gouvernement Balladur : "Soit c'est Al-Qaida, mais cela me paraît peu probable compte tenu de la nature des explosifs utilisés, soit c'est une vengeance de personnes n'ayant pas touché leur part de commissions, dit M. Léotard aux députés qui l'interrogent sur l'attentat. Je penche personnellement - mais c'est juste un sentiment - pour la deuxième hypothèse."

Ces propos viennent conforter la thèse avancée par le juge Marc Trévidic dans l'enquête sur les origines de l'attentat : en interrompant, en 1995, le circuit des commissions versées à des intermédiaires, en marge du contrat Agosta de vente de sous-marins au Pakistan, le président Jacques Chirac aurait enclenché un mécanisme infernal.

Selon M. Léotard, d'autres membres du gouvernement Balladur avaient également suivi les péripéties du contrat. "J'évoquais souvent avec Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, les contrats d'armement en cours de négociations, rappelle-t-il. J'ai toujours informé l'Elysée et Matignon du nom des intermédiaires." Il a nommément désigné ceux qui, à son cabinet, traitaient le dossier Agosta, parlant de Renaud Donnedieu de Vabres, son conseiller spécial, et de Hervé Morin, conseiller parlementaire et futur ministre de la défense de Nicolas Sarkozy.

Contacté par Le Monde, M. Morin s'est défendu d'avoir pris part aux négociations : "Je n'ai jamais participé à ces contrats militaires, assure-t-il. Il suffirait de consulter le registre des entrées au ministère de la défense : le vrai patron, à l'époque, c'était Renaud Donnedieu de Vabres..."

Ancien directeur de cabinet de M. Balladur à Matignon, Nicolas Bazire a également été auditionné par la mission parlementaire, le 17 novembre 2009. Il a nié l'existence de rétrocommissions : "Je juge probable le versement de commissions à la signature, mais impossible car immoral et inutile le versement de rétrocommissions, a-t-il expliqué aux députés. Il me semble peu probable que des intermédiaires proches du pouvoir en place en 1994 déclenchent un attentat sept ans après pour le non-versement de 15 % des commissions…"

Autres articles :



Les pensées de Manu
"Ké Karachi ?
Non amie blonde Karachi ce n'est pas le dernier it-cocktail de l'hiver ou le nom d'un jeune créateur qui monte.
Karachi c'est une ville du Pakistan.
Un pays exotique situé vers l'Inde où les dirigeants sont des méchants à moustaches mais on ferait semblant qu'ils seraient gentils cause qu'ils ont la bombe atomique et qu'ils vont tout faire péter si on les fait chier.

Alors me demandes-tu pourquoi parle-t-on du Pakistan pour une affaire qui se passe en France et à laquelle tu ne comprends que couic de rien du tout.

Bouge pas, je t'explique. Dans l'ordre chronologique pour que ton neurone arrive à s'y retrouver. Oui, l'histoire elle commence il y a un poil longtemps mais en visionnant les défilés Chanel et Versace de l'époque, tu devrais pouvoir connecter..."

mercredi 1 décembre 2010

[revue de presse] - [85] - [mercredi 2 décembre 2010]

Nouvelobs
Le juge Van Ruymbeke a demandé au parquet de Paris d'étendre le périmètre de son enquête sur des délits "d'entrave à la justice" et de "faux témoignage" en marge de l'attentat de Karachi en 2002 à un autre marché conclu dans les années 1990 en Arabie saoudite, appelé "Sawari II", révèle le site internet d'information Mediapart mardi 30 novembre.
Le contrat a été signé en novembre 1994 par le gouvernement dirigé par Edouard Balladur avec le royaume de Riyad.
Le juge souhaite donc être autorisé à enquêter sur d'éventuelles rétrocommissions dont Edouard Balladur aurait profité, à l'approche de l'élection présidentielle de 1995, en marge de deux juteux marchés d'armement: la vente de sous-marins au Pakistan pour l'équivalent de 826 millions d'euros (le contrat Agosta) et de frégates à l'Arabie saoudite pour près de 3 milliards d'euros (Sawari II).


Challenges
"Dominique de Villepin a été une nouvelle fois entendu mardi 30 novembre par un juge d'instruction dans l'enquête sur l'attentat de Karachi de 2002, où ont été tués onze Français qui travaillaient à la construction de sous-marins."


La bas si j'y suis, France Inter
"L’affaire Karachi expliquée à ma mère" Il y a plus faux que le faux, c’est le mélange du vrai et du faux", Paul Valéry. L’attentat, les rétrocommissions, le financement de la campagne Balladur, l’implication de Nicolas Sarkozy, les enquêtes et théories successives... vous saurez tout sur l’affaire Karachi. Suite du reportage de François Ruffin 
lien direct pour écouter l'émission :  http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2049

Laurence De Charette, Le Figaro
"Plusieurs pièces montrent que, en 1994, le ministère du Budget, alors dirigé par l'actuel chef de l'État, s'est déclaré hostile à la vente des sous-marins Agosta au Pakistan - cette vente sur laquelle serait venu se greffer in extremis un système de rétrocommissions possiblement destiné, ont déclaré plusieurs témoins, à alimenter les circuits d'Édouard Balladur. Le compte rendu d'une réunion ministérielle tenue le 29 juin 1994, classé secret défense, témoigne de cette position..."


Mediapart, Fabrice Arfi
"Après le bombardement en Une d'un procès-verbal tronqué en plein incendie Bettencourt, Le Figaro, quotidien dont la direction a toujours su montrer sa vigoureuse indépendance à l'égard du pouvoir en place, récidive. Mais cette fois-ci dans l'affaire Karachi.
Le journal de l'avionneur Serge Dassault, par ailleurs sénateur UMP, annonce ce mercredi 1er décembre avoir mis la main sur de précieux documents "secret défense" qui sont censés exonérer Nicolas Sarkozy dans une vente d'armes franco-pakistanaise au cœur du volet politico-financier de l'affaire
Le titre est sans ambiguïté: «A Bercy, Sarkozy s'est opposé aux contrats avec Karachi». Admirable, mais inexact. 
Que dit vraiment ce document, qui est un compte-rendu d'une réunion interministérielle de juin 1994? Que le ministère du budget, dirigé entre 1993 et 1995 par M. Sarkozy sous le gouvernement Balladur, a notamment émis «des réserves sur l’augmentation du coût liée au transfert de technologies» dans le cadre de la vente de trois sous-marins Agosta au Pakistan.
Pour appuyer sa démonstration, le journal cite, comme l'a déjà fait Libération la semaine dernière, le témoignage d'une ancienne fonctionnaire de Bercy devant la mission parlementaire, selon laquelle: «Sur un plan technique, la Direction du budget a toujours été opposée au contrat de vente de sous-marins au Pakistan. Nous étions en effet inquiets de la situation financière de ce pays.»
Le Figaro oublie seulement de dire que le nom de Nicolas Sarkozy n'est pas mentionné à une seule reprise dans le document qu'il révèle et, par la même, feint de ne pas faire de différence entre les services d'un ministère, qui étaient en effet contre ce contrat catastrophique d'un point de vue industriel et financier, et le ministre lui-même. Entre l'administratif et le politique. Une broutille...
L'analogie faite par le quotidien est d'autant plus vertigineuse que le chef de l'Etat, interrogé à Lisbonne sur l'affaire, a assuré qu'il ne s'était occupé «ni de près ni de loin» du contrat Agosta quand il était à Bercy. Faudrait savoir. Il ne s'en est pas occupé ou il était contre ? 
Mais il y a mieux. Comme Mediapart l'a déjà raconté, Nicolas Sarkozy a, avec le ministre de la défense de l'époque, François Léotard, engagé la garantie de l'Etat sur le contrat — il s'agit d'une sorte de caution d'Etat en cas de défaillance financière liée à l'exécution du marché. ..."