mardi 12 juillet 2011

[revue de presse] - [101] - [20 juin -12 juillet 2011]

Les juges Le Loire et Van Ruymbeke d'un côté, Médiapart de l'autre : l'actualité estivale autour de "l'affaire Karachi" est chargée et de plus en plus chaude pour le gouvernement. Les articles des trois dernières semaines (et leurs croustillantes illutrations) sont publiés ici, du plus récent au plus lointain.
Brice Hortefeux et Ziad Takieddine.© Photo Mediapart

Mediapart. Fabrice Arfi et Karl Laske 12/07/2011
"...Dans ce premier volet d’une série d’articles que nous allons consacrer à Ziad Takieddine, Mediapart dévoile plusieurs photos inédites qui attestent de liens jusqu'ici insoupçonnés, pour certains cachés, de l’homme d’affaires franco-libanais avec le premier cercle du chef de l’État. Sont concernés: l’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, l'ancien conseiller de Sarkozy Thierry Gaubert, l'actuel secrétaire général de l’UMP et ex-ministre du budget Jean-François Copé, et Dominique Desseigne, le patron du Fouquet's, où Nicolas Sarkozy a célébré sa victoire à l'élection présidentielle en mai 2007.
De nombreuses notes font également état de relations suivies avec Claude Guéant, proche de toujours de Nicolas Sarkozy et aujourd'hui ministre de l'intérieur. D'autres encore concernent très directement la politique libyenne de réconciliation spectaculaire avec le régime Kadhafi, sur fond de grands contrats, alors que le Parlement doit se prononcer mardi sur la guerre aujourd'hui menée.
Mediapart peut également révéler que M. Takieddine a reçu, entre 1997 et 1998, 91 millions d’euros pour la vente de frégates à l’Arabie Saoudite, validée en novembre 1994 par Nicolas Sarkozy en tant que ministre du budget. Et ce n'est pas tout: à partir de l'année 2003, Ziad Takieddine aurait par ailleurs consacré 11,8 millions d'euros à ce qui est décrit comme des «paiements secrets» en provenance de comptes offshore, selon des documents à notre disposition.

À l’évidence, Ziad Takieddine est l'homme qui sait tout et donc trop! En mars dernier, submergé par la colère, il a ainsi menacé de «faire sauter le gouvernement» lors d’une conversation téléphonique avec son ami Thierry Gaubert, qui est aussi un ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy. Des douaniers venaient d’interpeller M. Takieddine à l’aéroport du Bourget, porteur d’1,5 million d’euros en espèces alors qu’il revenait de Libye.
L’homme d’affaires de 61 ans raccompagnait ce jour-là en jet privé des journalistes du Journal du Dimanche partis interviewer le colonel Kadhafi. Placé en garde à vue comme un vulgaire “porteur de valises”, Ziad Takieddine avait expliqué, sans convaincre, que ces fonds correspondaient à «un transfert entre sociétés commerciales». La justice a ouvert une enquête préliminaire pour «manquements aux obligations déclaratives» et «suspicion de blanchiment», dont on est sans nouvelles depuis lors.

[...]

Mais jeudi 7 juillet, c’est au domicile du même Thierry Gaubert que des policiers de la Division nationale des investigations financières (DNIF) ont mené une perquisition. Pour, encore une fois, suivre la piste de Takieddine. De nombreux témoins entendus par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du volet financier de l’affaire Karachi, l’ont en effet désigné comme l’intermédiaire imposé par le pouvoir balladurien: il s'agissait de s’assurer de substantielles «rétrocommisssions» sur les marchés d’armement signés peu avant la présidentielle de 1995. Rétrocommissions que les juges soupçonnent d'avoir alimenté le financement de la campagne électorale d'Édouard Balladur.

Ziad Takieddine a effectivement rencontré Thierry Gaubert lors de la campagne de Balladur. M. Gaubert avait suivi Nicolas Sarkozy de la mairie de Neuilly au ministère du budget – dans de petites fonctions de communication. Dans le même temps, Takieddine s’était également rapproché du couple Léotard qui venait skier dans la station Isola 2000 (Alpes-Maritimes), station qu’il avait gérée jusqu’en 1992. Les deux hommes avaient partagé bien des secrets de cette campagne électorale.

L’élection perdue, M. Takieddine a néanmoins multiplié par 100 sa surface financière grâce aux marchés d’armement signés en 1994 par le gouvernement Balladur - François Léotard était alors le ministre de la défense.

Ziad Takieddine est l’homme d’un clan, qu’il aime réunir pour les grandes occasions. Ainsi, ce 27 juin 2002, il célèbre lors d’un fastueux dîner la victoire de la droite à la présidentielle et aux législatives, qui marque le retour en grâce - et au gouvernement - des ex-balladuriens.
Parmi les invités, Renaud Donnedieu de Vabres, ancien membre de l’équipe de campagne de Balladur, ex-ministre aux affaires européennes et futur ministre de la culture; Jean-François Copé, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement - qui avait soutenu Chirac en 1995 sans retrouver de place dans le gouvernement Juppé; Brice Hortefeux, alors membre du cabinet du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy; Christian Estrosi, alors député; et… Thierry Gaubert, placardisé depuis sa mise en cause dans des affaires immobilières des Hauts-de-Seine. Étienne Mougeotte, alors vice-président de TF1, et Thierry Dassault, l’un des fils du célèbre avionneur, sont aussi invités.
Cet aréopage sarkozyste se retrouve régulièrement dans la propriété de Takieddine au cap d’Antibes. En août 2003, Jean-François Copé et Brice Hortefeux et leurs épouses partent ainsi en mer sur La Diva, le yacht de l’homme d’affaires. Voici, ci-dessous, une des photos de cette journée:

Ziad Takieddine en compagnie de Brice Hortefeux et Jean-François Copé et leurs épouses. Août 2003.© Photo Mediapart

«Je ne suis allé qu’une fois ou deux chez lui, explique Brice Hortefeux contacté par Mediapart, et je n’étais pas au gouvernement. Il avait invité tout le monde à un grand dîner. Je suis peut-être sorti en bateau, mais je n’ai pas fait de croisière avec lui.» Certains, comme Jean-François Copé, séjournent longuement dans sa villa du cap d’Antibes, comme en témoigne cette photo ci-dessous datée du 13 août 2003:
Jean-François Copé dans la piscine de la villa de Ziad Takieddine.© Photo Mediapart

Questionné par Mediapart sur ces vacances mais aussi sur d’autres déplacements à Londres, à Venise et à Beyrouth - dont Mediapart a retrouvé la trace -, Jean-François Copé a confirmé que dans le cadre de «relations strictement amicales», «sans aucun lien» avec ses «activités électives ou ministérielles», il avait été à plusieurs reprises «invité» par Ziad Takieddine.
Selon nos informations, l’homme d’affaires a effectivement pris en charge, via la société Translebanon, les voyages de Jean-François Copé et de son épouse à Londres puis à Venise, en octobre 2004. Et encore une fois à Londres, en octobre 2005. En octobre 2003, il fait aussi visiter le Liban à celui qui est alors secrétaire d’État des relations avec le Parlement, comme en témoigne une photo ci-dessous:
Ziad Takieddine et Jean-François Copé au Liban.© Photo Mediapart

Lors de ce voyage, l’intermédiaire des frégates saoudiennes et des sous-marins pakistanais dîne d'ailleurs avec le ministre dans la résidence de l’ambassadeur de France. «Ce voyage comportait en effet une partie officielle et une partie amicale», indiquait-on, dimanche 10 juillet, dans l’entourage du patron de l’UMP.

Ziad Takieddine, Jean-François Copé et l'ambassadeur Lecourtier.© Photo Mediapart

À l’époque de ces escapades, Jean-François Copé est ministre et porte-parole du gouvernement. En mars 2004, il devient ministre délégué à l’intérieur, puis en novembre 2004, il obtient le portefeuille du budget. Les documents obtenus par Mediapart font apparaître à la date du 7 avril 2004, un «avoir de la famille Copé» s’élevant à 19.050 euros dans les comptes de l’intermédiaire.
L’équipe de M. Copé n’a pas donné d’explication à Mediapart sur ce point. En particulier, il n’a pas indiqué si cet «avoir» correspondait à un remboursement finalement opéré par le ministre. «On ne voit pas de quoi il s’agit», précise-t-on du côté de l’UMP.

Sur le même relevé de comptes obtenu par Mediapart, apparaît le nom de Pierre Charon, alors conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Une somme tellement modeste qu’on s’étonne qu’elle y figure: 110,13 euros. Un voyage en train? Un taxi? Pierre Charon ne s’en souvient pas, même s’il admet lui aussi avoir rencontré «deux ou trois fois» l’intermédiaire, dont «une fois sur la côte». «C’était une relation commune d’amis autour de Brice», explique-t-il à Mediapart.
Une autre promenade en mer sur La Diva réunit Thierry Gaubert et Dominique Desseigne, héritier des casinos Barrière et patron du Fouquet’s, où Nicolas Sarkozy a fêté son élection à la présidence de la République en mai 2007. Dans les années 1980, M. Desseigne avait épousé l’ex-femme de Thierry Gaubert, Diane Barrière, décédée en 2001 des suites d’un grave accident. Voici une photo de cette journée en mer:
 Ziad Takieddine, Thierry Gaubert (au premier plan) et Dominique Desseigne© Photo Mediapart

Précision utile: à l’heure de ces invitations, Ziad Takieddine s’emploie à décrocher - moyennant des contrats secrets de commissions - des marchés d’État au ministère de l’intérieur, alors dirigé par M. Sarkozy.
Le projet le plus important concerne à ce moment-là la protection des frontières de l’Arabie Saoudite, le “Saudi Border Guards Development Program”. Nom de code: Miksa. Le marché est estimé à 7 milliards d’euros! Seulement voilà, en décembre 2003, l’Élysée intervient pour stopper le ministère de l’intérieur dans ses négociations. Jacques Chirac va même jusqu’à interdire un déplacement préparatoire en Arabie Saoudite et finalement retire le dossier au ministère de l'intérieur.
Or, au sein du ministère, le contrat Miksa était géré en direct par deux hommes: Brice Hortefeux et Claude Guéant, en relation étroite avec Ziad Takieddine. «J’ai été en contact avec lui pour cette seule affaire Miksa, qui finalement ne s’est pas faite», assure Brice Hortefeux, qui admet avoir effectué l’un des voyages de négociations en Arabie Saoudite. «Ziad Takieddine avait des contacts avec les autorités, se rappelle l’ancien ministre. Est-ce qu’il a été utile au pays? Peut-être bien…»
Le fait est que l’Arabie Saoudite a, dans le passé, porté chance et fortune à Ziad Takieddine. Ainsi, dans l’entrelacs des circuits de commissions occultes mis en place entre 1993 et 1995 sur deux importants marchés d’armement, l’un avec le Pakistan, l’autre avec l’Arabie Saoudite, Ziad Takieddine a joué un rôle crucial.
11,8 millions d'euros de «paiements secrets»...

Ces deux marchés ont ceci de particulier qu’ils ont connu la même destinée une fois Jacques Chirac élu président de la République en 1995. Suspectant les balladuriens de financement occulte via ces contrats, le nouveau chef de l’État a interrompu, à l’été 1996, le versement des commissions restant dues au réseau d’intermédiaires au centre des soupçons. Ce fut une très mauvaise nouvelle pour Ziad Takieddine.
Mais selon des documents inédits auxquels Mediapart a eu accès, l’homme d’affaires franco-libanais a finalement obtenu une partie non négligeable des commissions qu’il attendait de la vente de frégates. Après avoir engagé un processus arbitral, fin 1996, il a pu ainsi obtenir, en trois versements, 130 millions de dollars sur le «compte secret» n° 3585 ouvert à la banque de la Méditerranée à Beyrouth: 75 millions le 7 avril 1997, 25 millions le 31 décembre 1997 et 30 millions le 31 mai 1998.
Ces fonds sont aussitôt répartis sur d’autres offshore, notamment la Estar Ltd, bénéficiaire de plusieurs contrats de “consultants” signés en 1995 avec la Sofresa, un office d’armement appartenant à l’État français. Ziad Takieddine assure aujourd’hui que l’intervention de Rafic Hariri auprès de Jacques Chirac en sa faveur aurait débloqué les paiements.
Cliquez sur le document ci-dessous pour le lire en plein écran:
 © Mediapart

De fait, ces arrivées de fonds vont permettre à Ziad Takieddine d’opérer la plupart des achats immobiliers somptueux réalisés à partir de 1998: hôtel particulier à Paris, maison à Londres, villa au cap d’Antibes…
Mais ce n’est pas tout. Un tableau analytique de ses dépenses fait aussi apparaître une rubrique qui est ainsi baptisée: «Paiements secrets». Ces paiements secrets s’élèvent à 11,8 millions d’euros entre 2003 et 2008!
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

© Mediapart

Interrogé, dimanche, par Mediapart sur ces versements secrets et les voyages offerts à des personnalités, Ziad Takieddine a refusé de répondre à nos questions. «Qu’est-ce que vous voulez? Vous voulez abattre un président de la République? Eh bien faites-le, à votre manière, a-t-il commenté. Je n’ai rien à vous dire, sauf vous attaquer.»
«Allez donc voir ce que Villepin a touché», a-t-il rétorqué, sans en dire plus. «Je suis un homme propre et vous êtes sale. Vous êtes une des saletés les plus performantes dans la saleté


Le télégramme de Brest 11/07/2011
"Quels sont les liens qu'entretiennent Jean-François Copé et Brice Hortefeux avec un intermédiaire présumé dans des contrats d'armement,  un certain Ziad Takieddine ? Mediapart publie aujourd'hui sur son site des photos des trois ensemble. L'une d'elles, datée d'août 2003, les montre avec leurs épouses devant le yacht de l'homme d'affaires. Une autre montre M. Copé dans la piscine de la villa de M. Takieddine.

Selon le site, M. Takieddine a par ailleurs pris en charge plusieurs voyages de M. Copé et son épouse, notamment au Liban en octobre 2003 lorsque l'actuel patron de l'UMP était secrétaire d'Etat chargé des relations avec le parlement. Médiapart évoque également un "avoir de la famille Copé" dans les comptes de l'intermédiaire où apparaît également le nom de Pierre
Charon, un proche de Nicolas Sarkozy. Jean-François Copé reconnait ses liens d'amitiés avec Ziad Takieddine.

Un homme d'armes
Ziad Takieddine, connu par plusieurs anciens responsables de la DCN comme étant un intermédiaire imposé par le cabinet de l'ancien ministre balladurien de la Défense François Léotard peu de temps avant la conclusion au Pakistan du contrat de vente de sous-marins, dément toute intervention dans le contrat pakistanais. Il reconnaît néanmoins avoir joué un rôle dans le contrat Sawari II avec l'Arabie Saoudite.

Un intérêt légitime
Ces liens d'amitié ne laissent pas indifférentes les familles des victimes de l'attentat de Karachi. D'où la démarche de leur avocat, Me Olivier Morice :  "Je demande l'audition de MM. Copé, Hortefeux et Charon ainsi que de leurs épouses par le juge Trévidic et par les juges Van Ruymbeke et Le Loire."


LeMonde.fr  08/07/2011
"Selon L'Express.fr, qui révèle l'information, une perquisition aurait eu lieu le 5 juillet au domicile de Thierry Gaubert dans le cadre de l'affaire Karachi.


M. Gaubert est un ancien collaborateur du chef de l'Etat. Il fut secrétaire général de la mairie de Neuilly, lorsque M. Sarkozy était à la tête de la ville, mais aussi son chef adjoint de cabinet au ministère du budget, de 1993 à 1995.
Les juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke chercheraient à en savoir plus sur le rôle joué par le Libanais Ziad Takkiedine, qui fut l'intermédiaire des ventes de sous-marins au Pakistan, le contrat dit "Sawari II".

[...]

Selon les dernières informations obtenues par Le Monde (édition abonnés), un témoin clé, Michel Ferrier, ancien directeur des transferts sensibles au sein du secrétariat général de la défense nationale (SGDN), aurait évoqué, avant de se rétracter, devant le juge, un troisième marché d'armement, dit "Miksa", qui aurait donné lieu à des rétrocommissions, versées pour moitié à la campagne de M. Balladur en 1995 et pour l'autre moitié au Parti républicain.

Le financement de la campagne de M. Balladur pose question : vingt millions de francs en liquide ont notamment été versés sur un compte de campagne. M. Balladur avait évoqué de l'argent recueilli lors de meetings auprès des sympathisants. Mais l'explication semble peu convaincante.  Le Monde a également révélé dans son édition du 9 juillet que ces sommes ne provenaient pas non plus des fonds secrets dont disposait alors Matignon, ce qui renforce les soupçons sur une origine "pakistanaise".

M. Takkiedine, personnalité influente dans le monde des affaires comme dans celui de la politique, est souvent décrit comme proche de Nicolas Sarkozy, qui l'a reçu à l'Elysée à plusieurs reprises.
En mars 2011, il était arrêté à son retour de Libye avec 1,5 million d'euros en liquide en sa possession. L'homme circulait avec des journalistes du Journal du Dimanche, qui venaient d'interviewer Mouammar Kadhafi.
Quant à Thierry Gaubert, qui fut marié à Diane Barrière – héritière du groupe de casinos, décédée dans un accident d'hélicoptère – avant d'épouser la princesse Hélène de Yougoslavie, il doit être jugé à Nanterre pour une affaire d'abus de bien sociaux : il est soupçonné d'utilisation frauduleuse de fonds destinés au 1 % logement.
M. Sarkozy était l'un des principaux soutiens et stratèges de M. Balladur pour sa campagne de 1995, dont il occupait la fonction de porte-parole."



Le télégramme de Brest 08/07/2011
DCNS a commencé à renvoyer du personnel français à Karachi, neuf ans après l'attentat qui a coûté la vie à onze employés du groupe, alors que «la violence est montée d'un cran» en 2011 au Pakistan, ont dénoncé hier les syndicats à Cherbourg.

«Ils sont déjà sept sur place dont trois de Cherbourg», a affirmé Laurent Hébert, secrétaire de la CGT à DCNS Cherbourg en faisant part de sa «colère». La direction de DCNS ne le confirme pas. Le porte-parole du groupe soulignait hier soir que «la sécurité des personnels était une priorité absolue». [...] Ce sont des volontaires. Leur nombre sera limité «au strict minimum». DCNS a envoyé récemment au Pakistan des experts, pour évaluer les conditions de sécurité, explique la direction. Des mesures supplémentaires ont alors été demandées. Puis une seconde équipe d'experts, après vérifications, a validé ces propositions. 

«C'est exactement ce qu'on nous disait avant l'attentat de 2002» a déploré hier Michel Bienfait, de l'UNSA. «Quand on voit les attaques qui ont lieu au Pakistan depuis la mort de Ben Laden, on ne peut que s'en offusquer», ajoute Laurent Hébert. Le 22 mai, une base aéronavale a été attaquée avec, selon les autorités, un bilan de dix militaires pakistanais décédés. Les talibans, alliés à al-Qaïda, ont revendiqué cette attaque.



Le Monde, Gerard Davet et Fabrice Lhomme 30/06/2011
"L'enquête sur le volet financier de l'affaire de Karachi se révèle de plus en plus embarrassante pour Edouard Balladur. Les derniers développements de l'instruction menée par les juges Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke, chargés d'établir si la campagne présidentielle de M. Balladur, en 1995, a été financée par des ventes d'armes, mettent à mal la défense de l'ancien premier ministre (1993-1995). Ce dernier, entendu le 28 avril 2010 par une mission d'information parlementaire, qui s'étonnait notamment d'une arrivée en espèces de 10 millions de francs entre les deux tours, avait affirmé que ces fonds, recueillis "lors de centaines de meetings", provenaient "des militants, des sympathisants ".

Or, il ressort des témoignages et documents recueillis ces derniers mois par la Division nationale des investigations financières (Dnif) et dont Le Monde a pris connaissance qu'au total, 23,6 millions de francs, dont 20 millions de francs en espèces, auraient alimenté sans explication la campagne malheureuse de M. Balladur, somme qui ne saurait s'expliquer par la générosité des sympathisants balladuriens... Dans un rapport de synthèse du 10 mars, la DNIF, qui a reconstitué l'ensemble des recettes de l'Association de financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb), et qui s'étonne de la disparition de certains documents, notamment des archives du conseil constitutionnel, signale de nombreuses irrégularités.

Ainsi, s'agissant des versements en espèces, qui s'élèvent officiellement à un peu plus de 15 millions de francs, les policiers affirment qu'il s'agit "du poste le plus litigieux et le plus opaque sur l'origine des fonds". Ils s'interrogent ainsi sur une la somme de 1,4 million de francs, justifiée dans les comptes de l'Aficeb comme correspondant aux remboursements faits par des sympathisants qui se rendirent, en train au meeting du Bourget, le 25 mars 1995, un mois avant le premier tour de la présidentielle : "Les déplacements de militants par transport en commun (...) sont payés directement par l'Aficeb, et nous n'avons constaté aucune demande de contribution financière aux militants", notent les policiers. Les enquêteurs se montrent tout aussi dubitatifs s'agissant d'un montant de 1,6 million de francs supposé correspondre au règlement par des militants de repas facturés par un traiteur. "On ne peut avoir aucune certitude car le bordereau de remise d'espèces correspondant à ce dépôt n'est pas présent dans les archives du compte de campagne de M. Balladur."

Et puis, bien sûr, les policiers ont investigué sur cette somme de 10, 25 millions de francs apparue comme par magie sur le compte de l'Aficeb le 26 avril 1995, trois jours après le premier tour. Ils constatent que les bordereaux de ces dépôts d'espèces, eux aussi, ont disparu des archives des comptes de campagne. Surtout, ils relèvent que plusieurs témoins, ont indiqué que cette somme ne pouvait "en aucun cas correspondre à la vente de t-shirts et autres gadgets vendus lors des meetings". "On peut conclure que ce versement d'espèces de 10,25 millions ne correspond à aucune recette provenant de collectes, de vente d'articles publicitaires, de remboursement de frais ou de dons de particuliers, et par conséquent que cette somme n'est pas justifiable sur le plan comptable", assure la Dnif. Les policiers ajoutent que ces constatations "remettent par conséquent en cause les explications fournies par M. Galy-Dejean [trésorier de la campagne Balladur], devant le magistrat instructeur lors de sa déposition".

Aux quelque 15 millions en espèces figurant sur les comptes de campagne dont l'origine semble suspecte s'ajoute une somme d'environ 5 millions, selon les enquêteurs. Ils ont recueilli le 8 avril les confidences d'un ancien élu (RPR) de Vaucresson (Hauts-de-Seine), dont la société s'occupa de la sécurité des meetings de M. Balladur en 1995. Sur procès-verbal, Olivier Michaud a assuré qu'il avait été rémunéré en grande partie en liquide. M. Michaud a ajouté que M. Galy-Dejean lui aurait dit à propos de cet argent que "c'était les fonds secrets de Matignon".

Ses déclarations font écho à celles d'Alexandre Galdin, un ancien membre de l'équipe de campagne. Le 25 mars, il a pointé devant le juge le rôle majeur joué, durant la campagne, par Pierre Mongin, alors chef de cabinet de M. Balladur à Matignon, et qui avait de ce fait la haute main sur les fonds spéciaux attribués au premier ministre. "M. Mongin venait régulièrement au sein du QG, a-t-il révélé. J'étais convaincu que certaines recettes de l'Aficeb provenaient des fonds secrets." Ces révélations rendent désormais inéluctable l'audition de M. Mongin. De même que celle de Brice Hortefeux, désigné par plusieurs témoins comme ayant dirigé la cellule d'organisation des meetings au cours desquels les fameuses espèces auraient, à en croire M. Balladur, été collectées. Autre proche de Nicolas Sarkozy susceptible d'intéresser les juges, Nicolas Bazire, alors directeur du cabinet du premier ministre et de sa campagne présidentielle. D'après plusieurs témoins, il disposait d'un coffre-fort au sein du QG de campagne. Raymond Huard, affecté à la trésorerie, a ainsi assuré que de "grosses sommes arrivaient dans la coffre de Nicolas Bazire".

Autre élément troublant : cette rencontre, un jour de février 2011, entre l'ancien premier ministre Edouard Balladur et René Galy-Dejean, ex-député et maire (RPR) du 15e arrondissement de Paris, à l'occasion d'un colloque sur les années Pompidou. Alors que l'enquête liée à l'attentat de Karachi ne cesse de tourner autour du financement suspect de la campagne présidentielle de M. Balladur, en 1995, l'ex-premier ministre s'inquiète. Du moins si l'on en croit le récit fourni le 10 mai au juge Renaud Van Ruymbeke par M. Galy-Dejean. "En descendant de la tribune, a raconté sur procès-verbal l'ancien député, j'ai croisé M. Balladur et je l'ai informé de votre convocation pour le mardi suivant [le 15 février]. Je l'ai senti ennuyé. Le lendemain, il m'a fait porter un carton m'invitant à le rencontrer le jeudi 10 février à 11 h 30 chez lui, ce que j'ai fait."

Lire également:


Le nouvel Obs / 20.06.2011
"...Le ministère public s'était opposé à ce que cette association, qui a pour but de lutter contre la corruption, puisse être partie prenante à ce dossier.
En janvier, le juge d'instruction chargé de cette affaire, Renaud Van Ruymbeke, avait déclaré recevable cette constitution de partie civile. Le parquet avait fait appel de cette décision.
Les motivations de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris n'étaient pas immédiatement disponibles.
La justice française est saisie de deux enquêtes liées à l'attentat qui a fait 15 morts à Karachi en mai 2002, dont 11 Français travaillant à la construction de sous-marins vendus par Paris à Islamabad.
Le premier volet porte sur la piste criminelle, le second concerne d'éventuels faits de corruption liés à ce contrat signé en 1994."